Avoir de potentats : Berne veut montrer la voie

Samedi 26 novembre 2016 — Dernier ajout dimanche 27 novembre 2016

Avoir de potentats : Berne veut montrer la voie

La loi sur les valeurs d’origine illicite, en vigueur depuis cet été, donne plus de pouvoir au politique. La Suisse l’érige en exemple

Roberto Balzaretti, le nouveau directeur général du Département des affaires étrangères (DFAE), était vendredi à Genève pour présenter la Loi sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite (LVP), entrée en vigueur cet été. Le dispositif suisse en matière de blocage et de restitution d’avoirs de potentats s’est considérablement renforcé avec ce texte qui inverse le fardeau de la preuve. Berne peut désormais ordonner un blocage administratif de fonds et c’est à leur propriétaire de démontrer qu’ils sont licites pour que le gel soit levé. Selon Roberto Balzaretti, « aucun autre pays au monde n’a un dispositif aussi élaboré qu’en Suisse. Beaucoup nous l’envient. »

La stratégie a commencé à se mettre en place après l’affaire des fonds Marcos, du nom de l’ex-dictateur des Philippines, en 1986, avant de s’étoffer. Plus de 1,8 milliard de dollars a été restitué depuis, suite à des confiscations au Nigeria, au Pérou, en Angola, au Kazakhstan ou au Mexique. Près d’un milliard reste gelé. « Aucun autre Etat peut se prévaloir d’un tel bilan », affirme Roberto Balzaretti. Dans plusieurs cas, les fonds sont en cours de restitution, notamment à Haïti – une procédure qui dure depuis deux décennies, ce qui suscite des critiques. « L’argent est confisqué, on doit le restituer. La situation de Haïti, qui peine à formuler sa demande, n’arrange pas les choses », indique le haut fonctionnaire. Les derniers dossiers datent du Printemps arabe – des fonds des ex-dirigeants égyptiens et tunisiens ont été gelés – et de la crise en Ukraine. En 2014, la Suisse a bloqué 70 millions de dollars appartenant à Viktor Ianoukovitch et ses proches.

Roberto Balzaretti indique que la Confédération va pousser les pays du G20 à prendre des mesures similaires aux siennes, sans quoi la lutte contre la corruption et le blanchiment sera moins efficace. Chaque année, entre vingt et quarante milliards de dollars s’évaporent en dessous-de-table, selon la Banque mondiale.

En Suisse, la LVP est pourtant critiquée. Des avocats voient d’un mauvais œil le fait que le fardeau de la preuve soit inversé. Ils s’inquiètent aussi des éventuels abus de pouvoir auxquels la loi pourrait conduire alors que, dans un Etat de droit, c’est normalement aux instances judiciaires de prendre de telles décisions.

La Confédération entend bien expliquer les enjeux autour de la question. Elle organisera le 12 décembre prochain à Berne une journée d’étude sur la stratégie helvétique en matière d’avoirs de potentats.

(TDG) (Créé : 26.11.2016, 10h46)

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