« Faucheur de chaises » : le parquet demande une « dispense de peine »

Lundi 9 janvier 2017

« Faucheur de chaises » : le parquet demande une « dispense de peine »

AFP Modifié le 09/01/2017 à 16:47 - Publié le 09/01/2017 à 10:02 | AFP

Le Parquet a requis une « dispense de peine » à l’encontre du militant altermondialiste Jon Palais, jugé lundi à Dax (Landes) comme « faucheur de chaises » dans une agence de la BNP, ses avocats, dont Eva Joly, plaidant la relaxe pure et simple.

La décision a été mise en délibéré jusqu’au 23 janvier dans un procès que Jon Palais et ses sympathisants, venus manifester en force (1.500, selon la police, 2.000, d’après les organisateurs), ont voulu transformer en « contre-procès de l’évasion fiscale », selon eux organisée par une des grandes banques mondiales dont l’absence au procès a d’ailleurs fait tache.

Dans ses réquisitions, le Procureur de la République, Jean-Luc Puyo, a estimé qu’« une dispense de peine » était « de nature à satisfaire la société » car il s’agit d’un « mouvement pacifiste et bon enfant ». Et de faire valoir que s’il y a bien eu « emport de chaises », il n’y a « pas d’éléments intentionnels de l’appropriation frauduleuse ».

Le magistrat a par ailleurs regretté l’absence de la BNP, partie civile dans ce procès, qui réclame un euro symbolique de réparations.

Les avocates de Jon Palais, 37 ans, l’ex-magistrate et ex-candidate écologiste à l’élection présidentielle Eva Joly et sa fille, Caroline Joly, ont demandé la relaxe pure et simple pour leur client.

Le militant landais était jugé pour « vol en réunion » de 14 chaises dans une agence BNP Paribas à Paris, en octobre 2015, et encourt une peine de cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.

  • « Procédure d’intimidation par la BNP » -

Caroline Joly a évoqué une « procédure d’intimidation par la BNP pour décourager ces actions » visant à dénoncer l’évasion fiscale. Eva Joly, elle, a souligné le « déséquilibre entre un militant pacifiste et la quatrième banque mondiale, et parmi les plus actives dans la création de comptes offshore ».

Jon Palais, quant à lui, a réitéré à la barre que son acte était « une manière de dénoncer le vol constitué par un système organisé d’évasion fiscale ». A sa sortie du tribunal, il a lancé devant les journalistes : « On a le sentiment que notre démarche d’action civique a été entendue par le Procureur », y voyant « un signal fort ».

Parmi les centaines de soutiens au militant altermondialiste, des candidats à l’élection présidentielle avaient fait le déplacement lundi à Dax pour organiser le « contre-procès » de l’évasion fiscale : « C’est aux banques et à leurs dirigeants d’être devant les tribunaux pour fraude organisée », a ainsi lancé Yannick Jadot, candidat d’EELV, déplorant que « la société civile » doive s’occuper de la question en lieu et place des pouvoirs publics.

Mouvements de défense de l’environnement ou altermondialistes ont fait de ce procès très médiatisé une « journée festive et revendicative » dans la sous-préfecture des Landes.

Dans les halles de Dax qu’ils avaient réservées pour l’occasion, des militants déguisés en « banquiers », avec cigares et chapeaux haut-de-forme ou billets de banque géants proclamant « stop à l’évasion fiscale », déambulaient ainsi entre fresque géante et concerts.

  • « Connivence » et « pantouflage » -

Le concept de « réquisition citoyenne de chaises » (« Rendez les milliards, nous rendrons les chaises ! ») avait été lancé en février 2015 dans une agence HSBC de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) après les révélations des Swissleaks sur l’évasion fiscale par le mouvement écologiste basque Bizi ! (Vivre !) auquel appartient Jon Palais.

Une quarantaine d’actions collectives de « fauchages de chaises » avaient ensuite été menées dans d’autres banques, par ANV-COP21, Attac, les Amis de la Terre ou Alternatiba… Les fameuses chaises avaient finalement été laissées sur la voie publique, à l’occasion de l’ouverture du procès à Paris pour fraude fiscale de l’ex-ministre Jérôme Cahuzac.

Outre Jon Palais, le président des Amis de la Terre, Florent Compain, sera lui aussi jugé pour des faits similaires le 11 avril à Bar-le-Duc (Meuse), sur plainte de la BNP également.

Plusieurs candidats à l’élection présidentielle ou leurs représentants (notamment un porte-parole de Benoît Hamon, candidat à la primaire PS) ont dénoncé l’évasion fiscale qui génère un manque à gagner pour les finances publiques évalué entre 60 et 80 milliards d’euros en France et 1.000 milliards en Europe chaque année. Ainsi, le candidat d’extrême-gauche du NPA, Philippe Poutou, a réclamé l’instauration d’un « monopole public bancaire ».

BNP Paribas assure n’être présente « dans aucun paradis fiscal de la liste de l’OCDE, la seule reconnue mondialement ». Un porte-parole du groupe a expliqué à l’AFP que ce n’était « pas le vol de chaises en soi qui l’avait conduit à porter plainte mais l’intrusion à caractère offensant et violent à l’encontre des clients et collaborateurs de l’agence ».

09/01/2017 16:46:04 - Dax (France) (AFP) - © 2017 AFP

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