Vincent Crouzet, ça le mine

Dimanche 29 janvier 2017

Portrait

Vincent Crouzet, ça le mine

Par Emmanuel Fansten — 27 janvier 2017 à 17:07 (mis à jour à 17:17)

Ancien des services secrets, ce romancier raconte à sa manière l’affaire Uramin-Areva.

Ce matin-là, dans les bureaux parisiens de sa maison d’édition, Vincent Crouzet est hors de lui. « Révulsé » par les méthodes utilisées par ses détracteurs pour parasiter la sortie de son dernier ouvrage, Une affaire atomique. « C’est la première fois que je traîne autant les pieds pour une promo, lâche l’auteur, tee-shirt et costume noir de circonstance. Il est impossible d’évoquer ce dossier sans faire l’objet de menaces ou de manœuvres de déstabilisation. »

Un mois plus tôt, fait rarissime, son éditeur a reçu un courrier d’avocat l’enjoignant de ne pas publier sous peine de poursuites pénales, la missive dénonçant la « présentation mégalomaniaque » de l’auteur et les « carences manifestes » de son enquête. La veille, c’est un autre ténor du barreau qui mettait en garde Libération contre les élucubrations de ce « zozo halluciné ». Rien de moins.

Quelle est donc cette affaire qui met ainsi en émoi certains des pénalistes les plus chevronnés ? « L’hallucinante saga d’un scandale d’Etat », promet le bandeau qui barre la couverture, sur laquelle on devine une hélice de réacteur nucléaire. Le « scandale » en question : l’acquisition par Areva d’Uramin, petite société minière rachetée 1,8 milliard d’euros en 2007 malgré des gisements d’uranium quasi inexploitables. Un « acte de piraterie de la finance internationale », écrit Crouzet, ancien des services, qui n’est pas le seul zozo à être pris d’hallucinations. Car neuf ans plus tard, l’opération est considérée comme un des plus gros fiascos industriels français. L’enquête a montré que le groupe nucléaire, alors dirigé par Anne Lauvergeon et détenu à 86,5 % par l’Etat, avait dissimulé sciemment des informations à son autorité de tutelle pour mieux faire avaler la pilule. « Une histoire contemporaine emblématique des dérives de la Ve République », résume l’auteur, convaincu que ce fiasco dissimule surtout une gigantesque escroquerie. « Seule une entente entre les acheteurs et les vendeurs permet d’expliquer rationnellement le coût de l’acquisition », assène-t-il. Au total, près de 3 milliards d’euros d’argent public sont partis en fumée. Depuis, deux enquêtes sont en cours au cabinet du juge Renaud Van Ruymbeke. Un temps soupçonné de rouler pour les ennemis de Lauvergeon, nombreux sur la place de Paris, Crouzet persifle et signe : « Ce sont des accusations grotesques. Je ne suis pas justicier, simplement romancier. » Pour autant, il n’est pas seulement le narrateur de cette histoire invraisemblable, il en est aussi un acteur involontaire, entendu à ce titre par la brigade financière. Lire la suite.

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