« Les Etats-Unis pourraient devenir le plus grand paradis fiscal de la planète »

Mercredi 8 mars 2017

« Les Etats-Unis pourraient devenir le plus grand paradis fiscal de la planète »

S’ils ne veulent pas voir s’éroder la base d’imposition de leurs entreprises multinationales séduites par Donald Trump, les pays de l’Europe doivent réformer en urgence leur fiscalité, estime, dans cette tribune au « Monde », Gabriel Zucman, professeur d’économie.

LE MONDE ECONOMIE | 08.03.2017 à 06h42 • Mis à jour le 08.03.2017 à 12h11

TRIBUNE. Que compte faire notre prochain président pour bâtir une fiscalité moderne, adaptée à la mondialisation ? Difficile de savoir à la lecture des programmes des candidats, qui rivalisent de flou sur la question. Il y a pourtant urgence, à l’heure où les Etats-Unis et la Grande-Bretagne s’engagent sur la voie du dumping fiscal. Sans orientation claire et précise, le risque est réel que la France subisse des pertes de recettes publiques significatives.

Un bouleversement fiscal inédit se prépare, en effet, à Washington, dont on n’a pas pris la mesure à Paris. Adieu Irlande, Luxembourg et Bermudes ; ces paradis fiscaux sont sur le point d’être ringardisés par l’Amérique de Donald Trump. Les républicains du Congrès souhaitent rendre l’impôt sur les sociétés des Etats-Unis ajustable aux frontières, c’est-à-dire détaxer les exportations – qui sortiraient de la base imposable – et surtaxer les importations – dont le coût ne pourrait plus être déduit des profits.

Si ce projet aboutit, les Etats-Unis siphonneront la base fiscale des pays du monde entier, devenant de facto le plus grand paradis fiscal de la planète. Les multinationales auront intérêt à manipuler leurs prix de transferts – les prix auxquels elles se facturent les biens et les services qu’elles s’échangent d’une filiale à l’autre – de façon à déplacer artificiellement leurs profits outre-Atlantique. Apple Californie, par exemple, pourrait faire payer demain à prix d’or le droit pour ses filiales étrangères d’utiliser sa marque et son logo, réduisant d’autant les profits imposables en France, sans pour autant augmenter d’un iota ceux taxables aux Etats-Unis, puisque les exportations n’y seront pas imposées. Zéro pour cent, voilà un taux modeste que même l’Irlande et ses 12,5 %, ne pourraient guère concurrencer. Trump et les parlementaires républicains sont unis dans leur détestation des impôts sur le capital

Certes, il n’est pas encore certain à ce stade que cette réforme fiscale voit le jour. Elle se heurte au lobby des importateurs – à la tête desquels se trouve le géant de la distribution Walmart – qui ne trouvent rien à y gagner.

Mais même si ce projet radical n’aboutit pas, les alternatives ne sont pas plus rassurantes et leurs implications similaires. Trump et les parlementaires républicains sont unis dans leur détestation des impôts sur le… Lire la suite.

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