L’essayiste Alain Deneault tend l’oreille sur le pouvoir tentaculaire des multinationales

Mardi 14 mars 2017 — Dernier ajout mercredi 13 septembre 2017

Entrevue

L’essayiste Alain Deneault tend l’oreille sur le pouvoir tentaculaire des multinationales

11 mars 2017 |Fabien Deglise | Livres

Il y a de l’énigme dans le commentaire. En 2015, dans la foulée de révélations sur l’utilisation record de pesticides dans les campagnes du Québec cette année-là, l’ex-ministre de l’Agriculture Pierre Paradis lance alors à la volée dans les couloirs du parlement : « Monsanto et les autres de ce genre : ils sont encore plus puissants que le gouvernement du Québec. »

Plus puissant ? Au-dessus du pouvoir des États ? La formule relève de la percussion pour appréhender ici l’influence démesurée des grandes multinationales de l’agroalimentation sur les régions rurales du Québec. Entre autres lieux d’influence.

Finances, ressources naturelles, services, alimentation… les activités de ces grands groupes qui approvisionnent, divertissent, nourrissent, équipent, font travailler le monde ne tiennent plus seulement du simple fait économique et de la gestion d’actifs par des individus dans une sphère privée. Ces multinationales sont devenues aujourd’hui des pouvoirs à part entière qu’il est urgent de scruter sous cet angle pour mieux pouvoir y faire face, estime le philosophe et essayiste Alain Deneault, qui frappe une nouvelle fois sur le clou de nos aliénations collectives avec De quoi Total est-elle la somme ? (Écosociété), essai sur les « multinationales et la perversion du droit ». Le bouquin puise son carburant principal dans une étude exhaustive du discours et des activités du géant pétrolier et gazier transnational Total, ancienne Compagnie française des pétroles (CFP) fondée en 1924.

« Les multinationales nous placent face à un pouvoir d’un type nouveau qui n’a pas de contre-pouvoir  », constate l’homme joint au téléphone il y a quelques jours à Paris. Il est directeur de programme au Collège international de philosophie. « Il serait intéressant d’ailleurs que le milieu journalistique, de manière intégrée, inscrive ces pouvoirs parmi ceux qui font l’objet d’une couverture quotidienne, pas seulement sous l’angle économique, mais sous l’angle politique. Si l’on citait aussi souvent les présidents de ces multinationales que le premier ministre, on aurait sans doute une compréhension plus nette de leurs pouvoirs qui façonnent la vie sociale », les politiques publiques, les relations internationales…

Remède au cynisme ?

Écouter la voix des multinationales pour comprendre la guerre en Syrie, pour saisir l’acharnement de Donald Trump sur Obamacare ou encore décoder avec acuité les investissements de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans les infrastructures permettant d’envoyer le pétrole des sables bitumineux vers les marchés d’exportation — Total aurait usé de son pouvoir pour influencer cette décision, dit Alain Deneault —, et bien plus encore. Voilà l’appel que lance l’universitaire, auteur de Noir Canada et de Paradis sous terre, paradis fiscaux : la filière canadienne (Écosociété). Voilà aussi le remède qu’il préconise dans un présent qui se cherche afin de combattre non pas le cynisme du citoyen, mais plutôt son découragement. Lire la suite.

Revenir en haut