Les manuscrits volés de la BNF, suite et fin ?

Mardi 30 janvier 2007 — Dernier ajout lundi 25 juin 2007

Les manuscrits volés de la BNF, suite et fin ?

Condamné à quinze mois ferme et incarcéré, Michel Garel se dit victime d’un complot.

Par Edouard LAUNET

QUOTIDIEN : mardi 30 janvier 2007

Vendredi après-midi, au palais de justice de Paris, Michel Garel a quitté la 10e chambre de la cour d’appel entre deux gendarmes, pour être immédiatement incarcéré. L’ancien conservateur en chef des manuscrits hébraïques de la Bibliothèque nationale de France (BNF) venait d’être condamné à quinze mois de prison ferme (trois ans dont vingt et un mois de sursis) pour « vol aggravé », alors qu’en mars 2006, en première instance, il n’avait écopé que de deux ans avec sursis. Garel s’est également vu infliger une amende de 75 000 euros.

Troubles. On reproche à cet homme de 58 ans le vol, en 1998, d’un manuscrit hébreu du XIIIe siècle, désigné sous le nom de « H52 ». Ce Pentateuque, l’un des plus anciens connus, s’est retrouvé en mai 2000 chez Christie’s New York pour y être mis aux enchères, puis il a circulé aux Etats-Unis avant d’être restitué à la BNF au début de cette année ( Libération du 9 janvier). Affaire close pour la BNF ­ qui avait accepté de dédommager partiellement le collectionneur américain qui avait acquis le manuscrit ­, mais pas pour Garel, qui continuait à nier être l’auteur du vol. Recevant Libération chez lui il y a deux semaines, l’ancien conservateur affirmait une nouvelle fois être la victime d’une machination. Oui, il avait bien reçu de l’argent sur un compte luxembourgeois, mais la somme provenait de la vente d’ouvrages imprimés anciens (de sa propre collection) à l’ancien banquier Edmond Safra ­ mort à Monaco en 1999 dans des circonstances troubles. C’est d’ailleurs Safra qui lui aurait conseillé d’ouvrir un tel compte. Non, il n’avait jamais volé le moindre manuscrit à la BNF, même s’il admettait : « Je ne suis pas un ange. » Au fil des mois, Garel avait étayé un dossier pour tenter de se disculper et désigner les « vrais » coupables. Dossier qu’on retrouve en ligne sur le site de Michel Van Rijn, ancien trafiquant d’art reconverti en justicier du milieu. Il se trouve que Van Rijn et l’ancien conservateur ont un ennemi commun : le collectionneur britannique David Sofer, qui fut l’un des principaux accusateurs de Garel.

Recel. Le dossier est épais, complexe, et les accusations tous azimuts de Garel n’ont pas contribué à l’éclaircir. Des conservateurs et chercheurs ont signé l’an dernier une pétition de soutien à Michel Garel, qui soulignait : « Bien peu d’instructions ont été ouvertes sur quantité d’autres vols, et si nous attendons patiemment et avec confiance la décision de la justice, nous ne pouvons qu’être inquiets de l’acharnement sur le seul Michel Garel. » Plusieurs volumes ont disparu du fonds hébraïque de la Bibliothèque nationale de France, pour un montant total évalué à près de 2 millions d’euros.

L’épouse de Michel Garel, condamnée en première instance à six mois de prison avec sursis pour recel, a été relaxée par la cour d’appel. L’avocat de l’ancien conservateur, Me Léon Lef Forster, a annoncé, dès vendredi, le dépôt d’un pourvoi en cassation et d’une demande de mise en liberté de son client.

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Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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