James Bond suisse à Francfort : la saga qui embarrasse

Dimanche 7 mai 2017

James Bond suisse à Francfort : la saga qui embarrasse

Lise Bailat Publié jeudi 4 mai 2017 à 20:08, modifié vendredi 5 mai 2017 à 09:19.

L’affaire de l’espion helvétique arrêté vendredi dernier en Allemagne indispose la classe politique suisse. Le calendrier de sa mission et le rôle joué par la justice interrogent

L’affaire se lit comme un roman et, en période préélectorale en Allemagne, les fuites ne manquent pas d’en faire un véritable feuilleton. Cette rocambolesque affaire, c’est celle de Daniel M., 54 ans. Arrêté vendredi dernier à Francfort, il est soupçonné par le parquet fédéral d’Allemagne d’espionnage pour le compte de la Confédération. Il aurait été chargé de récolter des informations sur des inspecteurs du fisc de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ce Land en mains de la gauche a acheté depuis 2010 11 CD de données bancaires volées, pour 18 millions d’euros, à des fins de lutte contre l’évasion fiscale, provoquant la colère des autorités suisses.

Depuis vendredi, chaque jour amène son lot de révélations. Après un long silence gêné à Berne, il a été confirmé par une parlementaire mercredi que Daniel M., un ancien policier de la ville de Zurich, a bien été mandaté par le Service de renseignement de la Confédération (SRC). Selon des documents que la presse alémanique s’est procurés, la justice allemande parle d’un espionnage ayant duré au moins de 2012 à fin 2015. Impossible de confirmer ou d’infirmer du côté du SRC, qui reste muet sur les détails de l’affaire.

Apaisement diplomatique

La question du début et de la durée du mandat de l’agent helvétique est pourtant cruciale. Elle permet d’évaluer la légitimité de sa mission. Le Service de renseignement a en effet pour tâche de défendre la souveraineté et les intérêts de la Suisse. Or dans le contexte du secret bancaire, tout a évolué très vite. En 2010, lorsque des Länder allemands commencent à acheter des CD de données bancaires volées, le secret bancaire est malmené et la place financière dans la tourmente. On s’accroche à Berne à l’idée de préserver à tout prix l’anonymat des détenteurs de comptes bancaires. Mais trois ans plus tard seulement, la stratégie de l’argent propre se met progressivement en place. Dès 2018, l’échange automatique d’informations sera effectif entre la Suisse et les pays membres de l’Union européenne. Sur le plan diplomatique, les tensions fiscales entre Berne et Berlin appartiennent ainsi au passé. Au plus haut niveau, l’affaire actuelle embarrasse plus qu’elle ne nuit. Le jeu en valait-il la chandelle ?

En revanche, des élus fédéraux s’indignent. « La question de fond, politique, doit se poser : à quoi servent nos services secrets ? » interroge Tim Guldimann. Ancien ambassadeur de Suisse en Allemagne, il est aujourd’hui conseiller national (PS/ZH). « J’aurais été en faveur d’une réaction très dure lorsque les autres ont triché. Mais nous ne pouvons pas justifier le fait de violer les lois allemandes parce qu’il s’agit de défendre le secret bancaire. »

A droite, des voix rappellent l’histoire : « Il y a eu des CD volés en Allemagne, un passif lourd et préjudiciable pour la Suisse. Cela fait partie du mandat du SRC de mener ce genre d’activités. Tout est question ensuite de proportion », estime le conseiller national Hugues Hiltpold (PLR/GE). Qui ajoute, sourire aux lèvres : « Il y a une douce schizophrénie d’entendre les cris d’orfraie en Allemagne lorsqu’on sait le nombre d’espions étrangers actifs en Suisse. ». Lire la suite.

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