« La colonisation fut coupable de pas mal de crimes… », par Maryse Condé

Samedi 10 juin 2017

« La colonisation fut coupable de pas mal de crimes… », par Maryse Condé

Quand Emmanuel Macron a parlé de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », la romancière de « Ségou » a éprouvé le besoin de lui répondre. Voici son texte.

Maryse Condé Maryse Condé Publié le 10 juin 2017 à 10h22

« On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.

Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’homme arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse.

Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. »

Je ne saurais décrire l’effervescence que ces lignes causèrent en moi. J’avais vingt ans. Pour mon anniversaire ma grande amie Françoise dont le père enseignait l’histoire à la Sorbonne m’avait offert ce petit volume rouge et or intitulé « Discours sur le Colonialisme » paru aux éditions Présence Africaine en 1950. Quel en était l’auteur ? Un poète martiniquais du nom d’Aimé Césaire.

[…] Est-ce à dire que dès lors ma vie changea radicalement ? « Je suis une colonisée », me répétais-je avec ivresse, paradant mon identité découverte. Non, la France n’était pas ma mère patrie, ma métropole. Mon peuple qui avait tant souffert était une victime et je devais tout faire pour le soulager. « Discours sur le Colonialisme » devint dès lors ma Bible et sans exagération, c’était en partie à cause de lui que je partis pour l’Afrique. Lire la suite.

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