Le procès Obiang se penche enfin sur le fond

Mercredi 21 juin 2017

Le procès Obiang se penche enfin sur le fond

21 juin 2017 Par Agence Reuters

Le premier procès des « biens mal acquis » par des chefs d’Etat africains et leurs proches, celui du fils aîné du président de Guinée équatoriale, a commencé mercredi à se pencher sur le fond après une ultime tentative de ses avocats de le retarder.

PARIS (Reuters) - Le premier procès des « biens mal acquis » par des chefs d’Etat africains et leurs proches, celui du fils aîné du président de Guinée équatoriale, a commencé mercredi à se pencher sur le fond après une ultime tentative de ses avocats de le retarder.

Teodoro Nguema Obiang, également appelé Teodorin, est jugé pour blanchiment d’abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption. Il encourt jusqu’à 10 ans de prison et au moins 50 millions d’euros d’amende, soit la moitié de son patrimoine mobilier et immobilier saisi en France.

Au nom d’une immunité au demeurant contestée par les autorités françaises, celui qui est aujourd’hui vice-président de Guinée Equatoriale est cependant absent d’audiences censées durer trois semaines et conclure dix ans de procédures.

Ses avocats ont longuement plaidé mercredi l’irrecevabilité d’une des parties civiles, un collectif de 19 associations et mouvements d’opposition au régime de Malabo, la Cored, en dénonçant de nouveau un « procès politique ».

Ils avaient obtenu en janvier un report au motif qu’ils n’avaient pas eu le temps de préparer la défense de leur client.

Lundi, lors de la première audience, ils avaient fait valoir son « immunité », demandé la nullité des poursuites, invoqué une procédure parallèle à la Cour de justice internationale et une irrégularité dans la rédaction de l’ordonnance de renvoi en correctionnelle, pour tenter d’arracher un nouvel ajournement.

La présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis, a décidé mercredi de joindre au fond leurs demandes et n’a pas jugé nécessaire de statuer sur le bien-fondé de la présence de la Cored au procès, parmi les parties civiles.

Après dix ans de rebondissements, depuis la première plainte d’organisations non gouvernementales et d’une association de la diaspora congolaise contre cinq chefs d’Etat africains et leurs familles, le tribunal a donc pu commencer à examiner le fond.

La présidente n’a cependant pas pu aller au-delà d’un rappel des faits et de leur contexte, la survivance de relations parfois troubles entre la France et ses ex-colonies africaines.

Elle a ainsi longuement cité le témoignage d’une figure de cette « françafrique », l’avocat Robert Bourgi, qui a assuré aux magistrats instructeurs ne rien savoir des « biens mal acquis ».

PRÊTE-NOMS ET SOCIÉTÉS ECRANS

L’instruction a établi que Teodorin Obiang avait acquis en France entre le début des années 2000 et 2011, directement ou par le biais de prête-noms ou de sociétés écrans, un important patrimoine mobilier et immobilier.

Pièce maîtresse, un immeuble luxueux de 2.835 m2 avenue Foch, à Paris, acquis pour 25 millions d’euros et dans lequel l’accusé a fait 12 millions d’euros de travaux. La présidente a aussi cité 18 voitures de luxe, achetées au total 7,5 millions d’euros, des œuvres d’art, bijoux, vêtements de marque …

Teodorin Obiang est soupçonné d’avoir financé ces dépenses grâce au produit de la corruption, de détournements de fonds publics et d’autres délits commis en Guinée équatoriale.

Il avait notamment recours à des virements d’un compte ouvert à la Société générale de banque de Guinée équatoriale par la société d’exploitation forestière Somagui Forestal, qu’il contrôlait en tant que ministre de l’Agriculture et des forêts.

Il contraignait alors les compagnies forestières opérant dans son pays à lui payer, directement ou par l’intermédiaire de la Somagui, une sorte de dîme en échange de l’autorisation d’exporter du bois, a précisé la présidente.

Teodorin Obiang conteste pour sa part tout caractère illégal des sommes consacrées à ses dépenses en France.

Au-delà du cas équato-guinéen, l’enquête sur les « biens mal acquis » vise notamment les familles d’Ali Bongo (Gabon) et Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), qui possèdent respectivement à Paris 39 et 24 propriétés immobilières de luxe, et environ 200 comptes bancaires au total, selon la police.

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