Le juge qui tente de briser les liens de sang des mafieux

Samedi 24 juin 2017

Le juge qui tente de briser les liens de sang des mafieux

Antonino Galofaro, Reggio de Calabre Publié vendredi 23 juin 2017 à 16:30, modifié vendredi 23 juin 2017 à 17:49.

Les parrains de la ’Ndrangheta, la mafia calabraise, se voient retirer la garde de leur enfant par Roberto Di Bella. Depuis cinq ans, le président du tribunal pour mineurs de Reggio de Calabre s’intéresse à la racine même du crime organisé de la pointe de la Botte : la famille

[…] Dans un travail inédit en Italie, le magistrat s’attelle depuis maintenant cinq ans à soustraire les enfants de la ’Ndrangheta, la mafia calabraise, du contexte criminel dans lequel ils naissent, grandissent et évoluent. Sa réputation aujourd’hui le précède. Les mères des « cosche », des clans, osent désormais venir lui demander directement de l’aide, afin qu’elles ne voient pas leur progéniture prendre le même chemin que leur mari ou leurs proches : celui de la prison ou de la mort. La réalité mafieuse de la pointe de la botte est caractérisée par les liens de sang composant chaque groupe criminel, un héritage se transmettant entre générations. Si Roberto Di Bella se concentre avant tout sur le droit des enfants et leur éducation, il lutte ainsi indirectement contre cette mafia.

« Je ne brise pas les familles »

« Je ne brise pas les familles, tranche d’emblée le magistrat, se référant aux articles de la presse américaine, dont il n’a pas apprécié les titres. Je n’aime pas que l’on dise cela. » Le président de ce tribunal de région prend une pause dans sa fatigante journée, à en juger par son air las. L’homme de 53 ans, originaire de Messine en Sicile, esquisse un sourire quand un employé lui demande s’il souhaite un café. « Nous essayons de préserver les enfants d’un destin certain d’incarcération, de mort et de souffrance », explique-t-il assis dans un canapé en face de son bureau disparaissant sous d’imposants dossiers.

Quand les mères ne les confient pas elles-mêmes au juge, les jeunes Calabrais se retrouvent devant lui parce qu’ils ont commis un crime ou parce que leur situation familiale particulière a attiré l’attention d’un procureur antimafia. « Nous ne pouvons pas permettre que des enfants assistent à des rencontres entre mafieux, détaille le magistrat. Ou qu’un père indique à son fils de 10 ans quel sera son grade dans la hiérarchie criminelle. Nous intervenons quand un parent maltraite un enfant, quand il est alcoolique ou toxicomane. Mais quand il lui inculque une éducation criminelle, nous devrions au contraire faire comme si de rien n’était ? » Le magistrat ne peut s’y résoudre. Lire la suite.

Revenir en haut