Uranium : la mauvaise mine d’Areva au Niger

Dimanche 25 juin 2017

Uranium : la mauvaise mine d’Areva au Niger

16h00 , le 25 juin 2017 Par Thierry Gadault.

Le gisement d’Imouraren, au Niger, n’était pas un bon filon pour Areva, géant français de l’énergie. Après l’affaire Uramin, la justice enquête.

Une nouvelle tuile en perspective pour Areva. Selon nos informations, la brigade financière a reçu mi-mai une étude sur Imouraren, un potentiel gisement d’uranium au Niger, qui remet en question la valorisation du site retenue dans les comptes 2016 du groupe nucléaire. Des auditions ont déjà eu lieu et ce dossier spécifique pourrait déboucher sur l’ouverture d’une enquête préliminaire, à côté des deux instructions judiciaires déjà lancées sur les comptes d’Areva et le rachat d’Uramin.

C’est au milieu de la précédente décennie que le groupe, alors dirigé par Anne Lauvergeon, décide de reprendre l’exploration d’Imouraren, situé à quelques dizaines de kilomètres au sud d’Arlit, où il exploite deux mines en fin de vie. A l’époque, l’entreprise souhaite reconstituer son portefeuille minier et va acquérir, dans des conditions parfois troubles, plusieurs projets qui ne déboucheront pas : comme Uramin, une société canadienne propriétaire de trois gisements en Afrique pour lesquels Areva a dépensé, en vain, quelque 3 milliards d’euros (investissements compris).

Début 2009, Areva obtient du gouvernement nigérien le permis d’exploitation d’Imouraren. Le groupe parle alors d’un « gisement de classe mondiale » avec quelque 275.000 tonnes de minerais en terre et un niveau de production potentiel de 5.000 tonnes d’uranium par an pendant trente-cinq ans.

Il faut recadrer « avant que ça ne finisse comme Uramin… »

Dans la foulée, Areva va dépenser environ 900 millions d’euros pour mettre en exploitation le gisement. Un chiffre qu’Areva refuse de commenter. Les travaux vont se poursuivre jusqu’au début de 2014. Mais tout s’arrête en mai de cette année-là : Areva annonce que les conditions de marché ne permettent pas la poursuite du projet. Le groupe licencie le personnel nigérien, rapatrie les salariés français et vend une partie des équipements.

Surprise, dans les comptes 2014, Areva n’intègre aucune provision pour déprécier sa participation dans Imouraren. Si le gel du projet l’a obligé à passer une charge de 48 millions d’euros en exploitation, il se contente d’indiquer que les actifs corporels et incorporels immobilisés à Imouraren sont évalués à 865 millions d’euros. L’année suivante, le groupe commence à déprécier le site nigérien : une provision pour perte de valeurs de 194 millions, ramenant la valeur des actifs à 694 millions (sans compter une nouvelle charge pour report du projet de 42 millions). En 2016, Areva a de nouveau dévalorisé sa participation dans Imouraren, pour un montant de 316 millions. La valeur des actifs tombe donc à 348 millions d’euros.

Pour quelles raisons ne pas avoir mis à zéro la participation dans Imouraren dès 2014, le projet étant abandonné ? D’autant qu’à la lecture des témoignages de géologues qui connaissent bien le site, on a l’impression qu’Imouraren ne sera jamais le « gisement de classe mondiale » promis un peu trop rapidement par Areva. Mais un mirage comparable à Uramin. Lire la suite.

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