Affaire Ioukos : comment la Russie fait pression sur la justice française

Lundi 26 juin 2017 — Dernier ajout mardi 10 octobre 2017

Affaire Ioukos : comment la Russie fait pression sur la justice française

La cour d’appel de Paris doit statuer le 27 juin sur les saisies opérées en France par d’anciens actionnaires de la compagnie pétrolière russe Ioukos. Moscou menace la France de représailles.

Jean-Baptiste Naudet Publié le 26 juin 2017 à 20h09

Les jeux sont faits. Rien ne va plus. Les 27 juin et 29 juin, la cour d’appel de Paris devrait rendre des décisions qui pourraient envenimer plus encore les relations déjà fraîches entre Moscou et Paris. Cette cour doit statuer sur les saisies opérées en France par d’anciens actionnaires de la compagnie pétrolière russe Ioukos. Vladimir Poutine en fait un casus belli. Si la cour confirme ces saisies de biens d’Etat russes, le maître du Kremlin a ouvertement menacé la France de représailles. Le chef de l’Etat russe ignore ainsi, ou fait mine d’ignorer qu’en France, la justice est indépendante. Cet épisode n’est qu’une nouvelle péripétie de ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Ioukos ».

Champ de bataille juridique

L’affaire commence lorsque les actionnaires majoritaires étrangers - réunis, pour l’essentiel, dans la société GML - de ce géant pétrolier russe, brutalement renationalisé par Vladimir Poutine, obtiennent, en 2014, pas moins de 50 milliards de dollars (45 milliards d’euros) de dommages et intérêts. Ce jugement est rendu par un tribunal arbitral siégeant sous l’égide de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. Les arbitres estiment en effet que la mise en faillite de Ioukos, onze ans plus tôt, avait été artificielle et politiquement motivée. Mais la Russie refuse alors reconnaître ce jugement du tribunal arbitral. Une décision similaire de la Cour européenne des droits de l’homme, condamnant la Russie à verser 1,9 milliard d’euros, avait poussé la Russie à annoncer officiellement qu’elle s’affranchissait des décisions de cet organe judiciaire européen. Pour compliquer l’affaire, un tribunal néerlandais annule la sentence du tribunal arbitral (une décision dont les actionnaires de Ioukos ont fait appel).

Mais en attendant, en France, la sentence est applicable. Les anciens actionnaires de Ioukos font de la France leur champ de bataille privilégié car la législation française est particulièrement favorable aux créanciers qui souhaitent s’attaquer aux actifs à l’étranger d’un Etat. Alors les anciens actionnaires de Ioukos multiplient les saisies d’actifs et les gels de comptes en banque liés à la Fédération de Russie, pour des montants atteignant plus d’un milliard d’euros. Comme les 300 millions d’euros dus par Arianespace à l’agence spatiale russe Roscosmos (pour ses fusées Soyouz qui lancent des satellites en Guyane). Depuis, c’est le statu quo dans cette affaire Roscosmos : les tirs de Soyouz continuent alors qu’Arianespace s’alarme devant la cour d’appel de Paris du « risque de sinistre industriel sans précédent ». D’autres saisies ou tentatives de saisies visent des groupes de médias russes en France ou la cathédrale orthodoxe de Paris. Lire la suite.

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