En France, la vérité sur le génocide rwandais est toujours « secret d’Etat »

Samedi 1er juillet 2017 — Dernier ajout samedi 7 avril 2018

En France, la vérité sur le génocide rwandais est toujours « secret d’Etat »

Des révélations sur des livraisons d’armes françaises aux Hutus génocidaires relancent les accusations de complicité de la France, et de la banque BNP Paribas, dans les crimes contre l’humanité commis au Rwanda. Une nouvelle plainte pourrait relancer des investigations à la banque UBP de Genève.

Richard Werly Publié vendredi 30 juin 2017 à 15:01, modifié vendredi 30 juin 2017 à 19:32.

Si le nouveau président français veut vraiment rompre avec ses prédécesseurs et avec les pratiques coupables de la « Françafrique », une décision serait des plus symboliques : la déclassification complète des archives de l’Elysée relatives au génocide commis au Rwanda contre les Tutsis, entre le 7 avril et la fin juillet 1994. « Il faut en finir avec ces révélations par petits bouts. Beaucoup d’officiers de l’armée française restent traumatisés par ce qu’ils ont fait durant ces mois-là au Rwanda » lors de l’intervention « Turquoise » à but supposé humanitaire, explique une spécialiste du dossier, récemment interrogée par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, auteur des dernières révélations publiées par la revue XXI.

Deux fantômes, liés l’un à l’autre, viennent en effet de revenir sur le devant de la scène hexagonale, en ce début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Lequel avait 17 ans au moment des crimes contre l’humanité qui coûtèrent la vie à près de 800 000 Tutsis du Rwanda, massacrés par leurs compatriotes hutus, dont les chefs militaires parvinrent ensuite à fuir vers le Congo voisin, parfois avec l’aide de la France.

Le premier de ces fantômes est bien vivant : il se nomme Hubert Védrine. L’ancien ministre des Affaires étrangères, secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterrand à l’époque de cette tragédie, est accusé par des témoins contactés par la revue XXI d’avoir signé une note autorisant des livraisons d’armes aux génocidaires hutus en juin 1994, alors que des centaines de milliers de Tutsis (les « cafards », selon les miliciens hutus) étaient pourchassés et massacrés au Pays des mille collines. Des accusations corroborées depuis par un ancien officier déployé dans le cadre de l’opération « Turquoise » (juin-août 1994), Guillaume Ancel.

Second fantôme : celui qui hante la banque BNP Paribas, contre laquelle une plainte pénale a été déposée mercredi pour « complicité de génocide, complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité » (crimes non prescriptibles) par plusieurs parties civiles : l’association anticorruption Sherpa, le Collectif pour le Rwanda et l’ONG de défense des victimes Ibuka France.

[…] Deux mille cinq cents soldats français avaient été déployés au Rwanda lors de cette période de cohabitation (le conservateur Edouard Balladur étant premier ministre) dans le cadre de « Turquoise », opération à but humanitaire qui permit à de nombreux bourreaux hutus de quitter le Rwanda.

[…] UBP Genève mêlée à l’affaire

La banque BNP Paribas – accusée d’avoir autorisé fin 1994 des transferts de fonds via la Suisse pour permettre aux génocidaires hutus d’acheter des armes – est aussi une habituée de ce tragique dossier rwandais, pour lequel fut créé entre novembre 1994 et décembre 2015 le Tribunal spécial pour le Rwanda, qui jugea et condamna une trentaine de criminels hutus de haut rang. Dès mars 1996, une commission d’enquête internationale avait déjà pointé le rôle de l’établissement bancaire dans le paiement d’une traite de 1,3 million de dollars au marchand d’armes sud-africain Willem Ehlers, via un compte ouvert à l’Union bancaire privée (UBP) à Genève. A l’issue d’une enquête helvétique, la banque suisse avait été innocentée, faute de preuves sur l’objet réel de la transaction. La nouvelle plainte déposée mercredi pourrait relancer des investigations contre UBP. Lire la suite.

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