Après la Libye de Kadhafi, Amesys a vendu son système de surveillance à l’Egypte de Sissi

Mercredi 5 juillet 2017

Après la Libye de Kadhafi, Amesys a vendu son système de surveillance à l’Egypte de Sissi

Recréée sous un autre nom, l’entreprise a vendu sa technologie à l’Egypte avec le consentement tacite de l’Etat français.

LE MONDE | 05.07.2017 à 12h28 • Mis à jour le 05.07.2017 à 12h50 | Par Damien Leloup

« Un cas de récidive ». C’est la formule sobre qu’avait choisi, ce 5 juillet, Patrick Baudouin, le président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), pour décrire les révélations du magazine Télérama concernant la vente de technologies de surveillance par une entreprise française à l’Egypte du président Abdel Fattah al-Sissi.

Car la société qui a vendu un système complet de surveillance de la population à l’Egype est loin d’être inconnue : il s’agit d’Amesys, entreprise qui fait déjà l’objet d’une enquête pour complicité d’actes de torture, après avoir vendu son outil Eagle en 2007 à la Libye du colonel Kadhafi. Après une longue instruction, et les témoignages de plusieurs activistes libyens torturés et après avoir été visée par une surveillance électronique, l’entreprise a été placée, le 30 mai, sous le statut de témoin assisté.

L’enquête n’a cependant que légèrement perturbé les activités d’Amesys. Stéphane Salies, l’ancien directeur commercial de la société, a racheté au groupe Bull l’ensemble des actifs de l’entreprise, répartis en deux holdings, Crescendo Industries et I2E. En 2012, deux nouvelles sociétés, qui constitueront la nouvelle face visible d’Amesys, sont créées : Nexa Technologies, basée en France, et Advanced Middle East Systems, à Dubaï. Advanced Middle East Systems, « Amesys » : la filiation est transparente. Et cette nouvelle société vend une solution logicielle complète qui reprend point par point toutes les caractéristiques du système Eagle d’Amesys, détaille Télérama.

Dix millions d’euros pour un système de surveillance

En 2014, l’Egypte, par le biais d’un émissaire émirati, manifeste son intérêt pour ce système « tout en un ». La transaction est rapidement conclue, pour 10 millions d’euros. Reste une formalité administrative : depuis le scandale Amesys, la loi française prévoit que l’exportation de ces systèmes de surveillance – pudiquement baptisés « biens à double usage » – doit obtenir le feu vert d’une commission dédiée, où siègent les représentants de plusieurs ministères-clés et des services de renseignement : le Service des biens à double usage (SBDU).

Etonnament, le SBDU, dont les délibérations sont classifiées, a choisi de ne pas statuer, rendant un avis « non soumis » – en clair, il estime que le logiciel n’entre pas dans la catégorie des biens à double usage soumis à autorisation. Une décision particulièrement ironique, sachant que c’est précisément l’exportation de ce même logiciel qui a contraint l’Etat à encadrer davantage l’exportation des biens à double usage…

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/07/05/apres-la-libye-de-kadhafi-amesys-a-vendu-des-outils-de-surveillance-de-masse-a-l-egypte-de-sissi_5156085_4408996.html#KowkUXWi1oXEFt3r.99

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