De la Françafrique à la Mafiafrique 

Lundi 25 septembre 2017

Vous consultez Préambule De la Françafrique à la Mafiafrique [1]

par Arnaud Labrousse

Arnaud Labrousse est l’auteur du Silence de la forêt (L’Harmattan, 2000) ;

et par François-Xavier Verschave

Économiste de formation, François-Xavier Verschave (1945–2005) membre fondateur de l’association Survie est notamment l’auteur de La Françafrique (Stock, 1998) et de Noir silence (Les Arènes, 2000).

Extraits de l’article :

Pétrole et dette

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Le Dossier noir n° 16, L’Envers de la dette, révélait les pas supplémentaires qui ont été franchis en Angola. Désormais, les trafiquants d’armes comme Falcone ou les sociétés de mercenaires ont officiellement leur part dans les consortiums pétroliers : la guerre est programmée avec l’exploitation pétrolière. Il est significatif d’ailleurs que nombre de personnages-clefs du pétrole français aient été également vendeurs d’armes, membres ou proches des services secrets : les Étienne Leandri, Alfred Sirven, Pierre Lethier, Jean-Yves Ollivier, Arcadi GaydamakLa FIBA, banque fétiche du pétrole, abritait encore les comptes de l’empereur des jeux Robert Feliciaggi, éminence du réseau Pasqua. Enfin, plusieurs affaires en cours établissent des connexions entre le recyclage des pétrodollars et le faux-monnayage (faux dinars de Bahreïn) ou le narcotrafic – à commencer par la Birmanie, dont la junte amie de Total a rallié la Françafrique avec enthousiasme.

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Le cas du Congo-Brazzaville est plus simple. Sous contrôle d’Elf depuis un quart de siècle, considéré comme une simple plateforme pétrolière, sa gestion a été clairement abandonnée aux réseaux françafricains. Lors des horreurs de 1999, Washington n’a cessé de s’aligner discrètement derrière les prises de position françaises – en échange, sûrement, de discrétions réciproques. Effroyablement compliquée dans le détail, l’histoire du sort subi depuis 1991 par ce pays a dû obéir à une logique simple : ramener au pouvoir, tel un rouleau compresseur, le dictateur Denis Sassou Nguesso.

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C’est l’un des Africains qui, depuis Houphouët, a « séduit » le plus large éventail de la classe politique française. Extrêmes compris. Seul son gendre Omar Bongo, l’émir d’Elf-Gabon, le surpasse peut-être en ce domaine. Sassou a un grand mérite : il ne réclame pour son État que 17 % de redevance sur la production pétrolière déclarée, et se montre très compréhensif sur les cargaisons non déclarées. Il dépense du coup beaucoup plus que son pays ne perçoit. Sous sa première dictature (19791991), la dette du Congo avait déjà crû démesurément. Depuis 1997, les modalités de partage de production ont changé, mais non le principe de partage du pillage.

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La mondialisation des pratiques et des acteurs dessine un puzzle complexe que les Dossiers noirs, pièce après pièce, s’efforcent d’analyser. L’Envers de la dette avait décrypté les liens qui unissent pétrole, dette, guerre et argent sale. Les Pillards de la forêt met à jour une autre pièce du puzzle. En observant les agissements de nombreuses sociétés (Rougier, Bolloré, Thanry, Pallisco, etc.), en révélant les liens qui existent entre des acteurs de l’exploitation et quelques réseaux mafieux, entre certains hommes politiques occidentaux (Foccart, Godfrain, Chirac, etc.) et leurs homologues africains, en suivant l’argent du bois depuis la Banque mondiale jusqu’aux coffres des paradis fiscaux, depuis les ventes de grumes jusqu’aux trafics d’armes, on comprendra comment s’organise, au mépris des législations et des populations, le pillage des forêts africaines. Lire la suite.

Pour aller plus loin / la conférence filmée « l’envers de la dette » par François-Xavier Verschave.

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