Le procès Merah relance le débat sur d’éventuelles défaillances

Jeudi 5 octobre 2017

Le procès Merah relance le débat sur d’éventuelles défaillances

reuters.com | 04/10/2017, 19:20 | 827 mots par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Le procès d’Abdelkader Merah, frère du tueur de militaires et d’écoliers juifs de mars 2012, a relancé dès les premiers jours le débat sur la notion contestée de « loup solitaire » mais aussi sur des failles des services de sécurité, à l’époque des faits.

Abdelkader Merah, accusé d’avoir été le complice, sinon l’inspirateur, de Mohamed Merah, est jugé depuis lundi par une cour d’assises spéciale avec un autre prévenu, Fettah Malki, un procès qui doit durer jusqu’à la fin du mois.

Mohamed Merah a été abattu le 22 mars 2012 à Toulouse lors de l’assaut par des policiers du RAID de l’appartement où il était retranché après avoir tué par balles en trois jours trois militaires, trois écoliers juifs et le père de deux d’entre eux.

« Ces attentats sont venus frapper de plein fouet les références de l’époque en matière de terrorisme et de lutte contre le terrorisme », est venu témoigner mardi soir à la barre l’inspecteur général de la police nationale Eric Voulleminot.

Les premières hypothèses après les assassinats des trois militaires s’orientaient vers l’extrême droite, un crime de déséquilibré ou une vengeance, pas vers l’islam radical, a rappelé celui qui était alors le patron de la lutte anti-terroriste à la direction centrale de la police judiciaire.

Ce qu’un policier impliqué dans les investigations de 2012 et témoignant de façon anonyme a confirmé mercredi à la barre.

Il faudra cinq jours aux enquêteurs et l’attaque de l’école juive Ozar Hatorah pour comprendre qu’ils avaient affaire à un tout autre type d’action.

LA PJ POINTE LES RENSEIGNEMENTS DU DOIGT

La police judiciaire, assure Eric Voulleminot, n’avait jamais été chargée de surveiller ou d’enquêter sur Mohamed Merah avant le premier meurtre, le 11 mars. « Il faut voir du côté des services de renseignement », ajoute-t-il.

Or, si la direction du renseignement intérieur (DCRI), devenue depuis lors la DGSI avait, elle, placé les deux frères sous surveillance en raison de leur appartenance à la mouvance islamiste radicale, cette surveillance a été allégée en novembre 2011, quatre mois avant les faits.

Eric Voulleminot a aussi confirmé ce qui était apparu flagrant à l’époque, un manque de coordination entre les services, notamment entre les antennes régionales de la DCRI et sa direction centrale et entre la DCRI et la PJ.

Il a ainsi raconté que la DCRI avait refusé d’associer des effectifs de la PJ au dispositif de surveillance mis en place autour du logement de Mohamed Merah, contraignant la PJ, alors ignorante des moyens de locomotion et de communication dont il disposait, à mettre en place un deuxième dispositif.

Le père d’Abel Chennouf, premier militaire tué par Mohamed Merah, a porté plainte contre l’ancien chef du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, pour mise en danger d’autrui et non-empêchement d’un crime.

Bernard Squarcini, placé sous le statut de témoin assisté dans cette procédure parallèle, est cité à comparaître dans le procès Merah le 19 octobre mais a d’ores et déjà fait savoir par son avocat qu’il ne répondrait pas aux questions.

« Il confirmera ce qu’il a dit au magistrat instructeur (dans l’affaire Merah) mais il refusera de répondre aux questions afin que ses droits à sa défense soient respectés », a déclaré à Reuters Me Patrick Maisonneuve.

LA NÉBULEUSE AL QAÏDA

Cette position hérisse les parties civiles et le ministère public, également ulcérés par la thèse du « loup solitaire » qu’il a défendue à l’époque des faits et au cours de l’instruction, tout en reconnaissant que cela correspondait à une nouvelle stratégie de la nébuleuse islamiste Al Qaïda.

Ce policier aujourd’hui à la retraite avait ainsi défendu l’idée que Mohamed Merah était parvenu par « la ruse » à ne pas être considéré par la DCRI comme une priorité.

Une thèse du « loup solitaire » reprise mardi par Eric Voulleminot, au grand dam des avocats des parties civiles et l’avocate générale, notamment parce qu’elle va dans le sens de la défense qui conteste toute participation d’Abdelkader Merah.

« Mohamed Merah a agi en loup solitaire, choisi ses cibles seul, défini seul ses modes opératoires et conduit seul ses opérations (…) Nous n’avons pas établi la présence de réseaux dans ce dossier », a-t-il déclaré.

Le tueur de Toulouse et Montauban avait pourtant été en Afghanistan et au Pakistan, où il aurait notamment appris le maniement des armes et il s’est revendiqué d’Al Quaïda.

L’ancien patron de la DCRI a cependant reconnu qu’un « faisceau d’indices », dont la participation d’Abdelkader Merah au vol d’un scooter utilisé par son frère dans son équipée sanglante, pointaient vers sa complicité.

On a retrouvé à son domicile un Ipod contenant des fichiers ressemblant à un mode d’emploi pour des cellules dormantes.

(Edité par Yves Clarisse)

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