Acheter un bien est plus facile qu’ouvrir un compte

Vendredi 27 octobre 2017

Acheter un bien est plus facile qu’ouvrir un compte

Blanchiment Un rapport dénonce des grosses failles dans le dispositif antiblanchiment suisse. Elles permettent d’acheter des immeubles avec de l’argent sale.

Dans un rapport publié jeudi, Transparency International dénonce des failles considérables dans le secteur immobilier suisse. L’ONG réclame des mesures, dont une extension de la loi sur le blanchiment d’argent aux notaires, avocats et agents immobiliers.

« Le dispositif antiblanchiment suisse comporte d’importantes failles qui permettent à des personnes d’acquérir des biens immobiliers avec de l’argent d’origine illégale », écrit jeudi Transparency International Suisse dans un communiqué.

Le registre foncier, lacunaire et opaque, et le champ d’application trop restreint de la loi sur le blanchiment d’argent sont notamment pointés du doigt. « Il est plus facile d’acheter un immeuble que d’ouvrir un compte en banque en Suisse », expliquait jeudi matin le président de Transparency International Suisse, Eric Martin, sur les ondes de la RTS.

En Suisse, l’accent a été mis jusqu’à présent sur la lutte contre le blanchiment d’argent dans la finance. Or, en raison de l’attention accrue portée à ce secteur et du durcissement des normes, l’immobilier, moins réglementé, a gagné en attractivité, explique l’ONG.

Le rapport mentionne par exemple l’immobilier de luxe et les propriétés à usage commercial. Avec un petit nombre d’opérations, ces biens permettent de placer des sommes bien plus considérables que d’autres investissements. De plus, il est difficile de prouver que les fonds utilisés sont d’origine illégale, d’autant plus si l’infraction a été commise à l’étranger.

Extension du devoir de diligence

Pour combler ces failles, l’organisation réclame une extension de la loi sur le blanchiment d’argent aux notaires, agents immobiliers et avocats. Actuellement, seuls les intermédiaires financiers sont soumis à une obligation de diligence. Or, ce ne sont généralement pas eux qui jouent un rôle essentiel lors d’une transaction immobilière, note le rapport.

L’ONG demande également le durcissement de la Lex Koller, la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes étrangères, actuellement en cours de révision. Selon l’organisation, il faudrait notamment obliger les autorités chargées de délivrer les autorisations à s’assurer que les fonds ont été acquis légalement et à établir l’identité des ayants droit économiques, comme c’est le cas dans la finance.

Ayant droit et prix d’achat

Actuellement, seul le nom du propriétaire est inscrit au registre foncier. Quand le propriétaire est une entreprise, l’ayant droit économique reste inconnu. Transparency International souhaite donc que le registre foncier mentionne l’ayant droit économique du bien ainsi que son prix d’achat. Ces inscriptions devraient en outre être publiques.

L’ONG réclame également un élargissement du système d’interrogation du registre foncier. Il est actuellement limité à un bien immobilier précis. Il faudrait pouvoir effectuer des recherches selon certains critères comme le propriétaire, l’ayant droit économique, la nationalité, le siège de la société ou l’emplacement.

Phénomène mondial

Le secteur immobilier suisse n’est pas le seul à être prisé des blanchisseurs d’argent. Les biens immobiliers représentent environ 30% des biens illégaux confisqués dans le monde, selon une enquête du Groupe d’action financière (GAFI) de 2013, citée dans le rapport. Ce groupe a d’ailleurs épinglé la politique de la Suisse en la matière dans son dernier rapport.

Plusieurs études ont également mis en lumière que les risques de blanchiment d’argent dans l’immobilier concernent particulièrement les pays qui, comme la Suisse, disposent d’une place financière forte et d’un secteur de biens du luxe très développé.

(ats/nxp)

Créé : 26.10.2017, 16h07

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