Activités en Syrie : Lafarge perquisitionné

Mardi 14 novembre 2017

Activités en Syrie : Lafarge perquisitionné

Europe Des perquisitions ont eu lieu mardi au siège parisien de Lafarge, dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement indirect de groupes djihadistes en Syrie.

Une perquisition était en cours mardi au siège parisien de LafargeHolcim. Le groupe franco-suisse est soupçonné d’avoir indirectement financé des groupes djihadistes en Syrie, dont l’organisation Etat islamique. La holding du milliardaire belge Albert Frère, actionnaire du cimentier, a aussi été visée en Belgique.

« Les enquêteurs français sont toujours en train de perquisitionner nos locaux », a indiqué en fin d’après-midi une porte-parole de Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le saint-gallois Holcim. Parallèlement, une perquisition a eu lieu au siège de Groupe Bruxelles Lambert (GBL), la holding du milliardaire belge Albert Frère qui détient 9,4% du capital de LafargeHolcim. GBL a confirmé, dans un communiqué, avoir fait l’objet d’investigations, soulignant « coopérer pleinement » avec la justice dans cette affaire.

« Les enquêteurs cherchent à savoir si Groupe Bruxelles Lambert aurait pu être au courant des agissements du cimentier en Syrie », d’après la source proche de l’enquête. Malmené à la Bourse de Paris à la suite de ces informations, le titre LafargeHolcim a clôturé en baisse de 1,95%.

« 20’000 dollars par mois à l’EI »

Les investigations, menées en France depuis juin par trois juges d’instruction, s’attachent à déterminer si Lafarge a transmis de l’argent à certains groupes, notamment l’EI, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014, malgré le conflit, la cimenterie de Jalabiya (nord du pays).

Les enquêteurs cherchent aussi à savoir si des responsables du groupe en France avaient eu connaissance de tels accords et du danger qu’ils ont pu faire courir aux employés syriens sur place.

Le scandale avait été révélé en juin 2016 par une enquête du journal Le Monde. Ce dernier avait mis en lumière de »troubles arrangements« entre Lafarge Cement Syrie (LCS), branche syrienne du groupe, et l’organisation État islamique alors que le groupe djihadiste gagnait du terrain et devenait incontournable dans la région.

Deux mois plus tard, le ministère de l’Économie avait déposé plainte, déclenchant l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris. Celle-ci a été confiée au Service national de douane judiciaire (SNDJ).

Dans son rapport, le SNDJ conclut que LCS a « effectué des paiements aux groupes djihadistes » pour que la cimenterie continue à fonctionner. Cela représentait pour l’EI « de l’ordre de 20’000 dollars » (quelque 19’620 francs) par mois, a relaté Bruno Pescheux, directeur de la cimenterie de 2008 à 2014, devant les enquêteurs du SNDJ, d’après une source proche du dossier.

« Fausses pièces comptables »

Selon le SNDJ, la direction française du groupe »a validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables« . Les enquêteurs soupçonnent aussi LCS de s’être, sous couvert de faux contrats de consultant, approvisionné en pétrole auprès de l’EI qui avait pris, à partir de juin 2013, le contrôle de la majorité des réserves stratégiques en Syrie.

« Pour moi, les choses étaient sous contrôle. Si rien ne me remontait, c’est que rien de matériel ne se produisait », a assuré l’ex-PDG du groupe, Bruno Lafont devant le SNDJ. D’anciens responsables du cimentier ont affirmé que cette volonté de rester coûte que coûte dans le pays en guerre avait reçu l’aval des autorités françaises.

L’association anticorruption Sherpa, qui a également déposé plainte au nom de onze ex-salariés syriens de la cimenterie, a demandé que l’ancien ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, actuel président du Conseil constitutionnel, soit entendu. A ce jour, les magistrats instructeurs ont auditionné plusieurs anciens employés syriens de l’usine.

(ats/nxp)

Créé : 14.11.2017, 19h50

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