Paradis fiscal : comment tout a commencé

Dimanche 19 novembre 2017

Paradis fiscal : comment tout a commencé

Les Paradise Papers ne sont que le dernier épisode d’une longue histoire du « paradis » qui débute au XIXe siècle à New York. Récit en trois temps.

Par François-Guillaume Lorrain Publié le 19/11/2017 à 10:58 | Le Point.fr

Le paradis, on le sait depuis le mythe fondateur, cela finit toujours mal. On en est chassé. Pour le paradis fiscal, l’histoire s’écrit surtout dans l’autre sens, on essaie d’y entrer. Encore faut-il qu’il existe. Or, il n’a ouvert ses portes que bien après le paradis religieux. Chavagneux et Palan dans Les Paradis fiscaux (éditions la Découverte) rappellent les conditions d’émergence de ce nouveau type d’espace au XIXe siècle : un capital qui s’internationalise, tandis que les États-nations se construisent. D’un côté, une ouverture économique, de l’autre, une fermeture politique. C’est d’une simplicité biblique. L’homme ayant horreur qu’on lui mette des bâtons dans les roues, il a vite trouvé une solution à ce casse-tête. En deux temps trois mouvements que décrivent Palan et Chavagneux.

Il y eut d’abord des avocats new-yorkais. Un pléonasme : les avocats sont toujours new-yorkais. On est dans les années 1880. L’État du New Jersey ayant de gros ennuis budgétaires, un ami du gouverneur, avocat donc dans la Grosse Pomme, lui conseille de plafonner les impôts pour toutes les sociétés qui viendraient s’installer chez lui. À l’époque, les sociétés américaines ont surtout élu domicile dans l’État de New York et du Massachusetts. Mais le New Jersey est voisin. Une loi est votée, la mesure est publicisée et le tour est joué. La solution se révèle « payante ». Le Delaware suit le mouvement, toujours bien conseillé par des avocats new-yorkais. Voilà pourquoi aujourd’hui une grande partie des grosses entreprises américaines sont domiciliées dans cet État. Cela, c’est pour le « mieux-disant fiscal », première pierre du paradis.

Naissance du « off shore »

Venons-en à la deuxième étape, qui fait basculer l’entreprise dans la fiction. Après la carotte, le tour de passe-passe. La fiction. La délocalisation dématérialisée. La parade va venir cette fois des Anglais et de leur empire rayonnant sur toute la planète. Plusieurs décisions de justice – en 1876, puis en 1906, contre la célèbre firme de diamants De Beers, qui extrait en Afrique du Sud, mais a son siège à Londres – infligent un impôt britannique à des sociétés dont on estime que ceux qui la contrôlent et la dirigent sont en Angleterre, même si les activités se déroulent ailleurs. Qu’à cela ne tienne : la société anglaise Egyptian Delta Land « déménage son conseil d’administration au Caire ». Dès lors qu’on peut arguer d’une direction située en dehors du Royaume-Uni, on est exempté d’impôt. Le « off shore » est né. La mesure va être reprise et étendue aux Bahamas, aux îles Caïman, aux Bermudes, à Hong Kong…

« Last but not least », le secret bancaire, qui arrive en dernière instance pour verrouiller ce genre d’opérations. Lire la suite.

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