Au Nigeria, les fuites de pétrole causeraient la mort de 16 000 nourrissons par an

Mercredi 22 novembre 2017

Décryptage

Au Nigeria, les fuites de pétrole causeraient la mort de 16 000 nourrissons par an

Des scientifiques suisses ont croisé les statistiques de santé du gouvernement nigérian et les données de géolocalisation des fuites dans le delta du Niger.

Par Joan Tilouine

LE MONDE Le 22.11.2017 à 12h30

Bien loin du Nigeria, deux chercheurs viennent de résoudre l’une de ces énigmes qui hantent la vie des habitants du delta du Niger, effrayés par les nombreux décès de nouveau-nés. Roland Hodler, 42 ans, ne s’est jamais rendu dans les criques et villages du sud du pays, une région souillée par les déversements du pétrole qu’exploitent des multinationales.

A plus de 6 500 km de là, dans son laboratoire du département d’économie de l’université de Saint-Gall, en Suisse, ce scientifique manie depuis trois ans des statistiques du gouvernement nigérian sur la natalité et les milliers de fuites de pétrole géolocalisées. Et, pour la première fois, l’étude qu’il vient de coréaliser pour le compte du Center for Economic Studies de Munich (CESifo) met un terme aux conjectures sur la corrélation entre les déversements de pétrole dans la nature et la mortalité infantile.

Selon les conclusions de cette recherche, l’exposition des adultes aux fuites de pétrole jusqu’à cinq années avant la conception d’un enfant augmente considérablement le risque de voir le nouveau-né mourir durant ses vingt-huit premiers jours de vie. Et ce, au point de doubler le taux de mortalité néonatale pour le porter à 76 morts pour 1 000 naissances, voire davantage dans des zones de forte proximité avec la source de la fuite. Une étude de santé portant sur 23 000 mères

« On ne s’attendait pas à des résultats aussi élevés, même cinq ans après une fuite de pétrole. Et à l’échelle du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, les conséquences sont impressionnantes », constate Roland Hodler. Pendant l’année 2012, il y eut 5,3 millions de naissances dans le pays et près de 8 % ont eu lieu dans un périmètre de 10 km autour de la source d’une fuite d’hydrocarbures.

L’étude estime que la contamination au pétrole pourrait avoir provoqué la mort de 16 000 nourrissons au cours de leur premier mois de vie cette année-là. Elle suggère également que 70 % d’entre eux auraient pu survivre au moins un an sans les fuites d’hydrocarbures. « C’est dramatique, s’insurge le scientifique. D’autant que c’est en partie causé par des multinationales qui ne se comportent pas de la même façon au Nigeria qu’en Norvège. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/22/au-nigeria-les-fuites-de-petrole-causeraient-la-mort-de-16-000-nourrissons-par-an_5218650_3212.html#aQy1lkHm64P0IBGP.99

Revenir en haut