Les confidences de Michel Tomi, empereur de la Françafrique

Dimanche 14 janvier 2018

Les confidences de Michel Tomi, empereur de la Françafrique

09h59 , le 13 janvier 2018, modifié à 10h06 , le 13 janvier 2018

En 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, a missionné deux hauts fonctionnaires de police pour mener une enquête secrète sur la « mafia corse ». Véritable cible de ces investigations : Michel Tomi, empereur de la Françafrique. Le JDD a recueilli ses confidences.

La réunion se tient en juillet 2013, place Beauvau, dans le bureau du ministre de l’Intérieur, qui s’appelle alors Manuel Valls. Il y a là deux grands flics aujourd’hui disparus du paysage, l’un pour cause de retraite, l’autre emporté par le tourbillon d’une mauvaise affaire : René Bailly, chef de la DRPP (Direction du renseignement de la préfecture de police), et Bernard Petit, numéro trois de la police judiciaire, chargé de la lutte contre la criminalité organisée et la grande délinquance financière. Le directeur du cabinet de Manuel Valls, Thierry Lataste, est également présent, ainsi que le préfet de police Bernard Boucault, comme l’ont rapporté les auteurs du livre Bienvenue Place Beauvau (Robert Laffont). L’ordre du jour est stupéfiant : il s’agit de confier aux deux hauts policiers, hommes de confiance de Valls, une enquête secrète, hors de tout contrôle hiérarchique et en marge du processus judiciaire. La machine est en fait déjà lancée. Depuis plusieurs semaines, René Bailly, qui dirige les RG parisiens, a été chargé de lancer de discrètes investigations contre la « mafia corse ». Mais cette fois, la cible est désignée, la feuille de route, précise : il s’agit de faire chuter l’empereur de la « Corsafrique », Michel Tomi.

[…] René Bailly est en terrain de connaissance. C’est lui qui a mené l’enquête qui a abouti deux ans plus tôt à la fermeture définitive du cercle Wagram, la poule aux œufs d’or du milieu insulaire, une usine à cash en plein Paris. Pour cela il avait opéré, déjà, dans le dos de la PJ parisienne, mais surtout de son collègue Bernard Squarcini, directeur du renseignement intérieur sous Nicolas Sarkozy, photographié en avril 2012 en compagnie du sulfureux Michel Tomi peu avant d’être brutalement écarté de la tête de la DGSI par François Hollande. Le cercle de jeux venait de tomber sous la coupe de Jean-Luc Germani, considéré comme le nouvel homme fort du banditisme insulaire et protégé de Michel Tomi, dont la PJ subodore qu’il l’aurait logé pendant sa cavale en Afrique et lui aurait même fourni une voiture appartenant au PMU camerounais. Bailly a rédigé un épais rapport de synthèse, finalement transmis à Bernard Petit. Après quelques vérifications, le numéro trois de la PJ alerte par écrit le procureur de la République le 19 juillet 2013, un rapport qu’aucun de ses chefs de service n’a voulu signer tellement le nom de Tomi effraie dans la maison. « Lors de ses déplacements en France, Michel Tomi s’entoure de précautions inhabituelles pour un chef d’entreprise (utilisation de voitures ouvreuses, nombreux gardes du corps, etc.), indique-t-il. […] Les activités de ce groupe paraissent orientées vers la mise en place d’un système financier opaque pour dissimuler la commission d’infractions économiques et financières. » Une instruction est ouverte le 25 juillet pour blanchiment, fraude fiscale et corruption, et confiée au juge Serge Tournaire. La phase 2 de la chasse au milieu corse, centrée sur le sulfureux homme d’affaires, peut commencer. Nom de code : Soprano. C’est Jean-Marc Souvira, chef de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière, qui le trouve, inspiré par la série télé, dont il est fan. Manuel Valls met une vingtaine de fonctionnaires sur le dos de Michel Tomi. Petit respire : enquêter en douce à la façon des RG, ce n’est pas son truc. Lire la suite.

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