Les procureurs financiers font leur bilan carbone

Lundi 15 janvier 2018

À la poursuite de l’argent sale

Les procureurs financiers font leur bilan carbone

Pour « Les Jours, des magistrats du Parquet national financier racontent leur enquête sur la gigantesque fraude aux quotas carbone.

15 janvier 2018 Épisode n° 19 Texte Camille Polloni Photo Sébastien Calvet

Le « casse du siècle » a bientôt dix ans. De septembre 2008 à juin 2009, des escrocs plutôt brillants se sont rués sur le marché européen des quotas de CO2 pour s’enrichir. Tirant profit d’une série de failles dans ce dispositif mis en place à des fins écologiques (une sorte de bourse d’échange de « droits à polluer »), ils l’ont transformé en gigantesque machine de fraude à la TVA, qui a coûté 1,6 milliard d’euros à l’État français et au moins 5 milliards au niveau européen. Sans rentrer dans le détail de la manœuvre – d’autres l’ont déjà très bien fait –, il suffit de retenir que l’arnaque consistait à créer de toutes pièces des sociétés pour acheter des droits à polluer hors taxe, avant de les revendre toutes taxes comprises, et disparaître sans jamais reverser la différence due à l’État. La magouille était relativement facile, les gains rapides et faramineux. Lorsque la justice française a entrepris de punir les responsables, elle s’est heurtée à plusieurs difficultés : suivre l’argent à la trace, détricoter les réseaux de prête-noms derrière lesquels étaient cachés les auteurs de cette escroquerie express, obtenir les réponses de banques et d’États étrangers.

La principale difficulté a été d’identifier « les personnes derrière les sociétés », les escrocs ayant recruté des hommes de paille pour brouiller les pistes

Parmi la centaine de mis en examen, quelques-uns ont acquis une petite notoriété : Marco Mouly, Arnaud Mimran, Grégory Zaoui, Cyril Astruc. Plusieurs procès ont déjà eu lieu depuis 2012, avec à la clé des peines de prison inhabituellement lourdes en matière financière et de fortes amendes. Le plus gros procès doit s’ouvrir à la fin du mois de janvier. Dans ce « volet marseillais » de la fraude (bien qu’il soit jugé à Paris), 36 prévenus se voient reprocher la disparition de 383 millions d’euros. À cette occasion, Les Jours ont proposé aux magistrats du Parquet national financier de raconter les particularités de ces affaires un peu hors norme qui ont occupé une bonne partie de leur temps ces derniers mois. Quatre parquetiers ont accepté de se plier à l’exercice : Patrice Amar, Monica d’Onofrio, Bruno Nataf et Serge Roques. Après le procès marseillais, sur lequel ils n’ont pas souhaité s’exprimer, il ne restera plus que la queue de comète des affaires de CO2. « Une demi-douzaine de dossiers » sont toujours à l’instruction, explique Bruno Nataf. Ces enquêtes, dont les montants fraudés sont moindres, souffrent d’un certain « essoufflement », reconnaît-il. Du temps est passé. Certains enquêteurs, parquetiers et juges d’instruction sont partis. Lire la suite.

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