UBS lance une offensive pour arrêter son procès à Paris

Lundi 8 octobre 2018

UBS lance une offensive pour arrêter son procès à Paris

8 oct. 2018 Par Agence Reuters

  • Mediapart.fr

Les avocats d’UBS ont engagé lundi une bataille juridique et procédurale pour faire obstacle, dès la première audience, à la poursuite du procès de la plus grande banque suisse devant le tribunal correctionnel de Paris.

PARIS (Reuters) - Les avocats d’UBS ont engagé lundi une bataille juridique et procédurale pour faire obstacle, dès la première audience, à la poursuite du procès de la plus grande banque suisse devant le tribunal correctionnel de Paris.

UBS, sa filiale française et six de leurs dirigeants ou ex-cadres sont accusés d’avoir aidé des milliers de contribuables français à échapper au fisc entre 2004 et 2012.

Leurs avocats ont accusé le parquet national financier (PNF) d’avoir contourné le « verrou de Bercy » moribond en poursuivant UBS pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » plutôt que pour complicité de fraude fiscale, moins sévèrement sanctionnée.

Le projet de loi sur la lutte contre la fraude, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, met fin à ce monopole très controversé de l’administration sur les décisions de poursuite judiciaire pour les infractions fiscales.

Mais pour Me Jean Veil, avocat d’UBS, « le fait que le verrou de Bercy soit en train d’être partiellement aboli ne change rien à l’atteinte à la séparation des pouvoirs » que constitue, selon lui, le choix par le PNF de l’incrimination la plus pénalisante.

« Toute autre poursuite à l’encontre d’UBS, par exemple pour complicité de fraude fiscale, se serait normalement heurtée à l’obstacle du verrou de Bercy », a-t-il dit au tribunal.

Les avocats de la banque voient également dans le choix du PNF une « rupture d’égalité » sans « justification objective ».

« La qualification de blanchiment aggravé (…) expose UBS à une amende vingt fois supérieure au montant de l’amende encourue pour complicité de fraude fiscale », a soutenu Me Denis Chemla.

Elle permet en outre à l’Etat français, seule partie civile, de réclamer, en plus d’éventuelles amendes, 1,6 milliard d’euros de dommages et intérêts, se sont indignés les avocats d’UBS.

Ils ont soulevé sur ces sujets deux questions préalables de constitutionnalité (QPC). La présidente du tribunal s’est donnée jusqu’à jeudi pour décider de les transmettre ou non à la Cour de Cassation. D’ici là, le procès est suspendu.

La présidente du tribunal avait auparavant rejeté une demande de renvoi du procès présenté par l’avocat d’un prévenu, qui juge les faits prescrits. Mais les avocats d’UBS ont encore en réserve cinq « exceptions de nullité ».

CHARGÉS D’AFFAIRES

Il est reproché à UBS d’avoir envoyé en France des chargés d’affaires pour démarcher illégalement des résidents fiscaux, notamment lors d’événements mondains, culturels et sportifs.

Selon l’accusation, ces chargés d’affaires avaient consigne de « voyager de manière discrète afin d’éviter d’être détectés ». Un prévenu a évoqué pendant l’enquête un « ratissage nauséabond et pratiqué de manière industrielle de petits patrimoines ».

Ce prévenu et une ex-salariée d’UBS France, Stéphanie Gibaud, ont fait état d’un « nettoyage » systématique à partir de 2008 des données incriminantes, avec effacement de disques durs.

Le procureur a invoqué lundi un manque de coopération de la banque pour justifier la sévérité du PNF.

UBS est aussi accusée d’avoir apporté « de manière habituelle » son concours à la dissimulation de fraudes à l’impôt sur le revenu, les sociétés ou la fortune.

Le PNF évalue les avoirs concernés à 10,6 milliards d’euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards au 30 novembre 2008.

Les prévenus encourent des peines maximales de cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende, pouvant être portées à 10 ans et 750.000 euros en cas de blanchiment aggravé. Les amendes peuvent même aller jusqu’à la moitié de la valeur des fonds blanchis, ce qui pourrait dépasser quatre milliards d’euros.

L’ex-banquier américain d’UBS Bradley Birkenfeld, qui a dénoncé les pratiques de la banque aux autorités américaines, a assisté à cette première audience.

Il avait auparavant distribué gratuitement devant le tribunal, avec l’aide d’une hôtesse, son livre « Le banquier de Lucifer » et un marque-page reproduisant le chèque de 104 millions de dollars que lui a versé le trésor américain pour sa coopération - non sans un passage par la case prison.

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