L’OCDE épingle vingt et un pays qui vendent leur nationalité

Mardi 16 octobre 2018

L’OCDE épingle vingt et un pays qui vendent leur nationalité

La délivrance de « passeports dorés » a pris une ampleur considérable ces dernières années. Leur « prix » peut s’étaler de 100 000 à plusieurs millions de dollars.

LE MONDE | 16.10.2018 à 11h01 | Par Anne Michel et Jean-Baptiste Chastand

Il y avait la liste noire des paradis fiscaux. Il y aura désormais la liste noire des pays vendant des passeports ou des certificats de résidence dits « dorés », parce qu’ils sont octroyés contre forte rémunération à de très riches investisseurs.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié, mardi 16 octobre, les noms des pays dont les programmes « d’obtention de la résidence ou de la nationalité par l’investissement », tels qu’ils sont nommés dans le secteur, présentent de « hauts risques » d’être détournés de leur objet par des fraudeurs en tous genres, notamment fiscaux.

La vente de « passeports dorés » a pris une ampleur considérable au cours des dernières années. Plus d’une centaine de pays dans le monde font désormais commerce de passeports ou de visas, selon l’OCDE. Le « prix » peut s’étaler de 100 000 à plusieurs millions de dollars, en fonction des avantages qu’ils offrent à leur acquéreur, comme de pouvoir voyager sans visa en Europe ou aux Etats-Unis. Parfaitement légal, ce commerce reste sulfureux pour son utilisation à des fins douteuses, comme la fraude et l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent ou même la criminalité organisée.

Au total, vingt et une juridictions sont clouées au pilori par l’OCDE parce que leur programme peut potentiellement favoriser la fraude fiscale. Il s’agit, précise l’organisme international sis à Paris, de juridictions garantissant un taux d’imposition particulièrement bas à ces acheteurs, pour les revenus issus d’actifs détenus à l’étranger. Et qui, de surcroît, n’exigent pas de ces derniers une présence sur leur territoire suffisamment longue – ce qui, en réalité, produit des situations où ces particuliers fortunés ne mettent jamais les pieds dans les pays dont ils détiennent pourtant passeport ou visa doré.

Le gros du bataillon est formé d’îles caribéennes, dont beaucoup sont aussi considérées comme des paradis fiscaux : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, la Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, les îles Turques-et-Caïques. Elles côtoient les Seychelles et l’île Maurice, dans l’océan Indien, et l’archipel du Vanuatu, dans le Pacifique.

Monaco, Chypre et Malte visés

Des pays montrés du doigt pour leur opacité et leur peu d’appétence à coopérer dans le domaine fiscal font aussi partie de cette liste : les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Qatar, la Colombie, la Malaisie et, dans une moindre mesure, le Panama. Mais ce qui retient l’attention, ce sont trois pays européens, également épinglés par l’OCDE : Monaco, Chypre et Malte. Ces deux derniers font partie de l’Union européenne (UE) et vendent à ce titre leurs passeports particulièrement chers, parce que ceux-ci permettent de s’installer librement n’importe où dans l’UE.

Le ticket d’entrée du passeport maltais, qui permet aussi de se rendre aux Etats-Unis, est par exemple d’un million d’euros. Tout cela assorti de conditions de résidence réduites au minimum : il suffit d’acheter ou de louer un bien immobilier sur l’île sans même avoir besoin de l’occuper, comme l’avaient détaillé Le Monde et ses partenaires du « Projet Daphne », en avril. Cette collaboration, organisée par l’association Forbidden Stories, a pour but de poursuivre les enquêtes de la journaliste Daphne Caruana Galizia, assassinée à Malte le 16 octobre 2017, et qui avait notamment beaucoup écrit sur le commerce des passeports. Lire la suite.

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