Biens mal acquis en Afrique : « Ces affaires révèlent l’absence de mue démocratique »

Dimanche 11 novembre 2018

Biens mal acquis en Afrique : « Ces affaires révèlent l’absence de mue démocratique »

Dans son ouvrage, « Pilleurs d’Afrique », le journaliste Gilles Gaetner revient en détails sur les affaires des biens mal acquis. Interview.

Par Sarah Diffalah Publié le 11 novembre 2018 à 11h02

Un seul procès français sur les biens mal acquis s’est tenu jusqu’à maintenant. Après près de 10 ans de procédure, le vice-président de Guinée Equatoriale, fils du président, Teodorin Obiang, a été condamné le 27 octobre 2017 à trois ans de prison et 30 millions d’euros d’amende assortis de sursis par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir frauduleusement acquis des biens en France. La justice a aussi prononcé la confiscation de l’intégralité de ses biens immobiliers et mobiliers dans l’Hexagone, évalués à plus de 100 millions d’euros. Teodorin Obiang a fait appel.

D’autres procès de ce type pourraient avoir bientôt lieu. Ils devraient concerner la famille Bongo, qui dirige le Gabon depuis 1967, et la famille Nguesso, à la tête du Congo-Brazzaville depuis 1997. Dans son ouvrage, « Pilleurs d’Afrique » (Les Editions du Cerf), le journaliste Gilles Gaetner, revient en détails sur ces dossiers. Interview.

Vous avez enquêtez pendant plusieurs années sur les malversations de plusieurs chefs d’Etats africains et leurs proches qui intéressent aujourd’hui la justice française. Qu’avez-vous appris ?

J’ai essayé de mettre en perspective, d’analyser les faits, de m’interroger sur le plan juridique. Ces affaires révèlent l’absence de mue démocratique au Gabon, en Guinée Equatoriale et au Congo Brazzaville. La démocratie n’arrive pas à éclore. Je me suis intéressé à décrypter les mécanismes qui ont pu permettre ces importants détournements de fonds publics à des fins d’enrichissement personnel. Dans les trois volets des enquêtes sur les biens mal acquis, trois niveaux de responsabilité se superposent. La première : les chefs d’Etats, leurs proches, surtout des membres de leur famille. On est dans le népotisme absolu. Le deuxième : ce que j’appelle les « tirelires ». Des intermédiaires, en majorité français. Ils aident financièrement les chefs d’Etats avec l’argent qu’ils ont reçu des chefs d’Etat eux-mêmes pour rendre les fonds indétectables. Ils profitent du système défaillant et se servent comme des bêtes au passage. Le troisième : les petites mains. C’est la secrétaire, gérante de SCI, qui va acheter un immeuble à plusieurs millions d’euros pour le compte de son patron, par exemple.

Avec ce système, on fait vivre beaucoup de monde. Et derrière, il y a toute une population qui a du mal à se soigner et à manger.

[…] Enfin, il faut souligner la complexité des montages financiers réalisés à travers les paradis fiscaux - au Luxembourg, à Dubaï, à Hong-Kong…-et des sociétés écran. L’argent provient des fonds publics des pays étrangers rendant encore plus difficile les poursuites. En Guinée Equatoriale par exemple, le conflit d’intérêt n’existe pas. Lire la suite.

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