Gilets jaunes : « Il n’est pas surprenant que le mouvement ait pris dans les zones rurales ou les villes moyennes »

Samedi 17 novembre 2018

Gilets jaunes : « Il n’est pas surprenant que le mouvement ait pris dans les zones rurales ou les villes moyennes »

Avant la mobilisation de samedi 17 novembre, entretien avec le sociologue Alexis Spire, auteur de « Résistances à l’impôt, attachement à l’Etat ».

Publié hier à 06h34, mis à jour hier à 09h55

Alexis Spire est directeur de recherche au CNRS. Il a publié, en septembre, Résistances à l’impôt, attachement à l’Etat, aux Editions du Seuil. Dans un entretien au Monde, il analyse le mouvement des « gilets jaunes » avant la mobilisation de samedi 17 novembre.

[…] Les gilets jaunes parlent des hausses de prix du carburant comme d’une goutte d’eau ayant fait déborder le vase. Pourquoi maintenant ?

Le carburant est un déclencheur d’un sentiment général d’injustice fiscale. L’idée qu’il y a trop de taxes et de prélèvements n’est pas nouvelle, elle existe depuis des années et elle a été nourrie par la succession des scandales fiscaux : il y a eu les affaires Bettencourt, Cahuzac ou Thévenoud, les Panama Papers, Paradise Papers et autre Luxleaks. Plus récemment, la quasi-suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune [ISF] a accentué l’idée que ceux d’en haut s’en sortent sans rien payer quand ceux d’en bas supportent tout.

Mais l’enquête statistique que j’ai menée dans le cadre de mes recherches sur un échantillon de 2 700 contribuables, révèle que c’est tout le rapport à l’Etat et aux services publics qui est aujourd’hui grippé. Paradoxalement, le sentiment qu’il y a trop d’impôt et de taxes est plus partagé dans les classes populaires, davantage bénéficiaires des politiques sociales, que dans les classes supérieures.

L’une des raisons est que les contribuables du bas de l’échelle sociale ne voient plus la contrepartie de ce qu’ils payent. Il n’est pas surprenant que le mouvement ait pris dans les zones rurales ou les villes moyennes : ce sont ces territoires qui ont pâti du recul et de la dégradation des services publics depuis plus de dix ans.

Ils ont vu partir les tribunaux, fermer les hôpitaux et disparaître les trésoreries. La contrepartie de l’impôt n’est plus tangible. Ils ont l’impression d’être prélevés pour entretenir le train de vie somptuaire des élites politiques. Lire la suite.

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