« CumEx Files » : les députés rendent le bouclier anti-fraude quasi inopérant

Jeudi 20 décembre 2018

Les décodeurs

« CumEx Files » : les députés rendent le bouclier anti-fraude quasi inopérant

Sous le prétexte d’un nettoyage juridique, la majorité a vidé le dispositif censé récupérer les milliards de l’évasion fiscale.

Par Maxime Vaudano Publié aujourd’hui à 11h24, mis à jour à 12h19

La France va-t-elle récupérer dès l’an prochain les milliards envolés à cause de l’évasion fiscale autour des dividendes, révélée en octobre par Le Monde avec l’enquête « CumEx Files » ? Le dispositif antifraude adopté le 17 décembre par l’Assemblée nationale pourrait le laisser penser.

Les députés ont introduit dans le code des impôts un nouvel article extrêmement technique, qui vise à empêcher, à partir de juillet 2019, les montages baptisés « CumCum » dans le jargon financier. Ceux-ci consistent à mettre momentanément à l’abri des actions auprès d’entités exonérées d’impôts, au moment précis du versement du dividende, pour échapper aux taxes.

[…] Les failles du bouclier

Mais l’examen de ce dispositif antifraude conduit par Le Monde avec un fin connaisseur de ce type d’opérations boursières montre qu’il risque d’être totalement inopérant. En réécrivant le texte proposé initialement par le Sénat, les députés de La République en marche (LRM) et du MoDem l’ont vidé de sa substance.

Le nouveau bouclier anti-« CumCum » cible uniquement les opérations les plus simples, dans lesquelles un investisseur étranger signe un contrat avec un établissement français pour lui céder temporairement ses actions, afin d’échapper à l’impôt français sur les dividendes. C’est ce qu’on appelle le « prêt-emprunt de titres » ou les « contrats à terme ferme ».

Or, des opérations légèrement plus complexes permettent de contourner ce bouclier. En utilisant des instruments financiers au nom barbare comme le « total return swap », les deux complices peuvent échanger des actions en toute discrétion sur les marchés, sans conclure formellement de contrats de cession des actions. Et échapper ainsi à la nouvelle loi.

Les établissements financiers désireux de continuer le « CumCum » pourraient donc opportunément se rabattre sur ce type de solution pour pouvoir poursuivre cette activité lucrative, qui fait perdre plusieurs milliards d’euros au contribuable français chaque année, selon l’estimation du Monde, validée par les pouvoirs publics.

Le bouclier instauré par le Parlement contient une autre faille de taille : il est limité aux opérations financières qui surviennent dans les quatre-vingt-dix jours autour de la date de versement du dividende. Lire la suite.

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