Quatre mis en examen dans le sillage du « Clemenceau »

Lundi 16 juillet 2007 — Dernier ajout jeudi 9 août 2007

Quatre mis en examen dans le sillage du « Clemenceau »

La justice leur reproche des surfacturations pour le désamiantage de la coque.

Par éLIANE PATRIARCA

QUOTIDIEN : lundi 16 juillet 2007

Le Clemenceau a l’étoffe des stars. L’ex-fleuron de la Marine nationale ne cesse de faire parler de lui. Après sa rocambolesque épopée en mer pour un démantèlement en Inde, et son retour piteux à Brest en mai 2006, voilà l’ex-porte avions au cœur d’une affaire de corruption présumée.

L’enquête, qui a démarré en juin 2006 à la suite d’une dénonciation à Tracfin, l’organisme chargé de la lutte contre les circuits financiers clandestins, a abouti vendredi à la mise en examen de quatre personnes. Toutes liées au désamiantage partiel de la coque, réalisé par la société Technopure à Toulon entre 2004 et 2005. La justice leur reproche des surfacturations de 600 000 euros.

Jean-Claude Gianinno, le gérant de Technopure, a été mis en examen pour corruption active de personne privée, faux et usage de faux à Marseille, et placé en détention provisoire. Il est soupçonné d’avoir « acheté » un responsable de Sdic (Ship Decomissioning Industries Corporation, filiale d’Eckhart Marine), la société sous contrat avec l’Etat pour le démantèlement du Clem, afin d’obtenir le marché. Briac Beilvert, un des dirigeants de Sdic, consortium de droit panaméen, a été mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux, escroquerie au préju­dice de l’Etat et corruption passive. Il a été placé en détention provisoire.

En 2005, il disait, comme le ministère de la Défense, avoir monté « un projet pilote, pionnier pour la création d’une filière propre, morale et transparente de démantèlement des vieux navires ». Deux autres hommes sont poursuivis, pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux, et mis sous contrôle judiciaire. Sous-estimation. Ce n’est pas la première fois que Technopure se fait remarquer. Le 15 mars 2005 dans Libération, un des dirigeants de la société révélait que les tonnages d’amiante, avancés par l’Etat et Sdic, étaient sous-estimés. Officiellement, le Clem contenait 220 tonnes d’amiante, dont 90 % avaient été retirés à Toulon. Le 5 janvier 2006, Giannino lui-même affirmait qu’il restait encore 500 à 1 000 tonnes de matériaux amiantés après le désamiantage à Toulon. Le ministère de la Défense parlait de 45 tonnes.

Depuis, l’expertise réalisée à Brest par Veritas a révélé que l’amiante était encore présent dans la plupart des structures de la coque, dans une quantité dépassant largement les 45 tonnes. Du côté des associations, fers de lance de la guérilla juridico-diplomatique qui a abouti au rapatriement du Clem l’an dernier, on n’est pas surpris. Pour l’Andeva, Michel Parigot rappelle qu’à l’époque les associations avaient dénoncé l’opacité sur la quantité d’amiante, mais aussi « le montage de l’opération ». Pour Yannick Jadot de Greenpeace, « le choix de Sdic par l’Etat manquait pour le moins de transparence. Mais ces fausses factures ne dédouanent pas l’Etat de ses responsabilités : c’est l’Etat qui a choisi Sdic, et qui a décidé de faire désamianter et démanteler le navire en Inde ».

Interrruption. Les associations demandent que toutes les responsabilités soient examinées. D’autant qu’elles ont un nouveau motif d’inquiétude. Depuis le retour de la coque à Brest, elles avaient obtenu d’être associées aux réunions de travail du ministère de la Défense sur le démantèlement. Réunions interrompues sans explication depuis février, alors que l’Etat doit choisir l’entreprise qui fera le démantèlement. L’Andeva et Greenpeace redoutent les choix quise font dans le secret et demandent au ministère de revenir à une totale transparence.

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