Brésil : l’ex-président Temer pris dans la nasse de « Lavage express »

Jeudi 21 mars 2019

Brésil : l’ex-président Temer pris dans la nasse de « Lavage express »

AFP Modifié le 21/03/2019 à 19:17 - Publié le 21/03/2019 à 17:40 | AFP

L’ancien président brésilien Michel Temer a été arrêté jeudi à Sao Paulo, tombant lui aussi dans les filets de la tentaculaire enquête anticorruption Lava Jato (Lavage express), moins de trois mois après avoir quitté le pouvoir.

« Il a été arrêté à Sao Paulo », dans le sud-est du Brésil, a annoncé un porte-parole du parquet à l’AFP. Il devait être rapidement placé en prison préventive à Rio de Janeiro.

Cette arrestation est un coup de théâtre, même si elle ne constitue pas une surprise, l’ex-chef de l’Etat faisant au total l’objet d’une dizaine d’enquêtes anticorruption.

Il est soupçonné d’être « le chef d’une organisation criminelle » qui négociait des pots-de-vin sur des contrats de génie dans la centrale nucléaire d’Angra 3, à 150 km de Rio, a précisé le parquet dans un communiqué.

Michel Temer, 78 ans, qui a quitté le pouvoir à la fin 2018 après près de deux ans et demi de mandat, devient le deuxième président du Brésil emprisonné après avoir été pris dans les rets de Lavage express.

L’ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, 73 ans, en prison depuis avril 2018, a été condamné à deux peines de prison de plus de 12 ans chacune pour corruption et blanchiment d’argent.

« Système criminel sophistiqué »

Le juge Marcelo Bretas, chargé de Lava Jato à Rio, a également ordonné la détention préventive de l’ancien ministre des Mines et de l’Energie Moreira Franco, et de cinq autres suspects, dont des hommes d’affaires.

Le parquet a annoncé ces arrestations sur la base d’une « délation récompensée » et dans le cadre d’une opération anticorruption baptisée « radioactivité » qui a enquêté sur « des détournements de fonds et des versements illicites » pour le compte d’« une organisation criminelle dirigée par Michel Temer ».

Cette organisation « a pratiqué des crimes de cartel, de corruption active et passive, de blanchiment d’argent et de fraudes sur des appels d’offres », selon le parquet.

Le parquet a évoqué un « système criminel sophistiqué » ayant permis fin 2014 des détournements de l’ordre de 1 million de réais (500.000 dollars au taux de change de l’époque) sur des projets de génie électro-mécanique dans la centrale, qui n’est toujours pas achevée à ce jour.

Mais il ne pourrait s’agir que du sommet de l’iceberg, cette organisation ayant obtenu « la promesse ou le versement de 1,8 milliard de réais » (470 millions de dollars), en lien avec divers organismes ou entreprises publics.

Avalanche de scandales

M. Temer était arrivé au pouvoir en août 2016 par accident, après la destitution brutale de la présidente de gauche Dilma Rousseff — pour maquillage des comptes publics — dont il était le vice-président.

Vieux renard de la politique et cacique du PMDB devenu MDB (centre droit), M. Temer a pu paraître inoxydable tant qu’il était au pouvoir, réussissant à deux reprises à écarter la menace d’une destitution.

Il a été notamment accusé d’avoir reçu des pots-de-vin sur la base d’un enregistrement clandestin, d’irrégularités financières dans la campagne menée en 2014 au côté de Mme Rousseff et de détournements dans des concessions portuaires à Santos, le plus grand port du Brésil.

Il s’était accroché au pouvoir en consacrant toute son énergie à des tractations avec ses alliés politiques pour sauver son mandat.

Michel Temer avait été tenté brièvement par une candidature à sa propre succession en octobre, mais avait renoncé face à un niveau de popularité historiquement bas : 7 %.

155 condamnations

Il avait cédé les clés du palais du Planalto le 1er janvier à Jair Bolsonaro, après un court mandat paralysé par l’inaction et plombé par la récession économique et une avalanche de scandales.

Jair Bolsonaro, élu notamment grâce à son image de « Monsieur propre », a fait de la lutte anticorruption une priorité, dans un pays plombé par les affaires depuis des décennies.

L’enquête Lavage express, lancée il y a exactement cinq ans, a mis au jour le plus grand scandale de corruption de l’Histoire du Brésil, autour de contrats du groupe public pétrolier Petrobras et avec des grands groupes du BTP.

Elle a conduit derrière les barreaux de très nombreux responsables politiques de tous bords et des chefs d’entreprises de premier plan.

Au total, des peines de 2.242 années de prison ont été prononcées avec 155 condamnations dans le cadre de Lavage express, qui a étendu ses ramifications dans toute l’Amérique latine.

21/03/2019 19:16:37 - Rio de Janeiro (AFP) - © 2019 AFP

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