Même les investisseurs « exigent plus de transparence fiscale »

Mercredi 10 avril 2019

Même les investisseurs « exigent plus de transparence fiscale »

Tribune

Daniel Bertossa Secrétaire général adjoint de l’Internationale des services publics

Le syndicaliste Daniel Bertossa constate, dans une tribune au « Monde », que l’évitement de l’impôt pratiqué par les entreprises est de plus en plus perçu comme un risque par les gérants de fonds financiers.

Publié aujourd’hui à 10h39, mis à jour à 11h27

Tribune. Qui veut en finir avec la culture du secret, l’opacité des comptes des multinationales et les fortunes dissimulées dans les paradis fiscaux ? Les activistes de toujours, bien sûr, issus d’ONG, de syndicats, du monde universitaire ou religieux, tous outrés par les scandales des « Panama Papers » et autres « Paradise Papers ».

Mais pas seulement : la coalition Global Reporting Initiative (GRI), référence mondiale en termes de développement durable, vient de révéler que les plus ardents défenseurs de la transparence fiscale sont désormais… les fonds d’investissement. Et pas n’importe lesquels : ceux qui se disent en faveur de normes volontaires de transparence fiscale gèrent quelque 10 000 milliards de dollars, soit 12 % du produit intérieur brut (PIB) mondial annuel.

Pourquoi les investisseurs exigent-ils plus de transparence ? Tout d’abord parce qu’ils ont compris que l’opacité masque souvent des échecs de gestion. Les dirigeants prennent des risques inconsidérés, en profitent pour se verser des primes mirobolantes, le tout aux dépens d’actionnaires qui voient leurs dividendes détournés. « Les structures complexes ou opaques de propriété et d’organisation peuvent compromettre l’analyse financière fondamentale des investisseurs », résume la Norges Bank, l’un des poids lourds du secteur, sur un document du GRI.

Les investisseurs savent aussi que les stratégies d’évitement de l’impôt, légales ou non, ont un coût social et humain élevé qui se répercute sur les entreprises. Des recettes fiscales en chute signifient en effet moins d’argent pour l’éducation, la santé, les infrastructures, la lutte contre la pauvreté et pour la lutte contre le changement climatique. Or l’investissement direct dépend fortement d’infrastructures publiques de qualité et d’une main-d’œuvre saine et qualifiée.

Et l’évasion fiscale ne cesse d’augmenter. Depuis les années 1980, une industrie de conseil fiscal et juridique puissante permet aux millionnaires et aux entreprises de placer leurs fonds dans des paradis fiscaux, quelque 30 000 milliards de dollars, selon les calculs de Tax Justice Network [une association britannique de lutte contre l’évasion fiscale]. C’est plus du double du PIB de l’ensemble de la zone euro, ou encore cent cinquante fois le montant annuel estimé par l’économiste Jeffrey Sachs pour mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde. Lire la suite.

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