La Russie abandonne les poursuites contre le journaliste Ivan Golounov, victime d’un coup monté

Mercredi 12 juin 2019

La Russie abandonne les poursuites contre le journaliste Ivan Golounov, victime d’un coup monté

Ce journaliste d’investigation russe avait été arrêté le 6 juin pour « trafic de drogue ». Moscou a fini par plier face à la pression de l’opinion.

Par L’Obs Publié le 11 juin 2019 à 16h56

Les poursuites contre le journaliste d’investigation Ivan Golounov, accusé de trafic de drogue dans une affaire controversée qui a provoqué l’indignation de la société civile, ont été levées, a annoncé mardi le ministère de l’Intérieur.

« Golounov sera libéré aujourd’hui [mardi] de son assignation à résidence et les accusations sont abandonnées », a déclaré le ministre de l’Intérieur Vladimir Kolokoltsev, cité dans un communiqué. Deux hauts responsables de la police seront par ailleurs limogés, ajoute le responsable.

Les avocats du journaliste russe Ivan Golounov avaient fait appel de son assignation à résidence.

Arrêté avec 4 grammes de méphédrone

Journaliste du site d’information Meduza, réputé pour ses enquêtes sur la corruption à la mairie de Moscou ou les malversations dans des secteurs opaques comme le microcrédit ou les pompes funèbres, Ivan Golounov a été arrêté jeudi dans le centre de Moscou dans des conditions controversées.

Quatre grammes de méphédrone ont été trouvés dans son sac à dos, selon les policiers qui assuraient avoir découvert ensuite d’importantes quantités de drogue en perquisitionnant son appartement. Selon la police, le journaliste avait tenté de vendre « une quantité importante » de cocaïne et de méphédrone, une drogue de synthèse.

Dans une décision d’une clémence inhabituelle pour la justice russe, un juge avait ordonné samedi son assignation à résidence plutôt que son maintien en détention provisoire, dans l’attente d’un éventuel procès.

Les soutiens d’Ivan Golounov dénoncent une affaire montée de toutes pièces en rétorsion à ses enquêtes. Le journaliste affirme que les stupéfiants découverts par les policiers ne lui appartiennent pas et ont été placés à son insu.

Les analyses réalisées sur demande de la justice n’ont montré aucune trace de drogue dans son sang et aucun des sachets saisis ne portent ses empreintes, selon ses avocats.

« Bavure » ou « provocation »

Alors que les soutiens se sont accumulés ces derniers jours pour Ivan Golounov, des journaux indépendants jusqu’aux médias d’Etat et même certains hauts responsables politiques, le Parquet général russe a annoncé lundi se saisir directement de l’enquête.

Une marche en soutien d’Ivan Golounov était prévue mercredi dans le centre de Moscou, tandis qu’une pétition exigeant sa libération a rassemblé plus de 170 000 signatures. Lundi matin, en soutien à leur collègue, les journaux « Kommersant », « Vedomosti » et « RBK » avaient fait la même « Une » pour la première fois dans leur histoire : « Nous sommes Ivan Golounov », dans un clin d’œil au mouvement français de solidarité « Je suis Charlie ». Du jamais vu dans les médias russes.

Le Kremlin, qui a reconnu lundi que l’affaire « fait naître beaucoup de questions » sans pour autant blâmer le système judiciaire, a appelé mardi à « attendre les résultats de l’expertise » judiciaire et dit craindre que la marche ne « gêne l’atmosphère festive » de mercredi, jour férié célébrant l’indépendance de la Russie vis-à-vis de l’URSS.

La présidente du Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement russe, a de son côté estimé que les incohérences de la police, telle que la publication de fausses photographies présentées comme liées à l’affaire avant d’être retirées, « suscitent la méfiance envers les services chargés de l’enquête ».

« Il s’agit soit d’un manque de professionnalisme, soit d’une bavure, soit d’une provocation », a déclaré Valentina Matvienko, citée par l’agence Ria Novosti.

L’opposant Alexeï Navalny a de son côté publié mardi une enquête accusant de corruption la famille d’un haut responsable des puissants services de sécurité russes, le FSB, dont le nom est cité par plusieurs médias comme le possible « commanditaire » de l’affaire contre Ivan Golounov, en raison de ses liens avec la « mafia des cimetières » sur laquelle le journaliste enquêtait.

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