Un coup d’Etat en Afrique pour le prix d’un appartement

Mardi 31 juillet 2007 — Dernier ajout vendredi 15 septembre 2017

Un coup d’Etat en Afrique pour le prix d’un appartement

Par IAN HAMEL

23 septembre 2006

ACCUSATIONS

Pour écrire « Trafic d’armes », le journaliste Laurent Léger a rencontré la plupart des principaux marchands de mort de la planète.

Des hommes sans scrupule traitant un jour avec les Américains et le lendemain avec des terroristes. Dans l’épisode de Tintin « L’oreille cassée », deux pays sud-américains imaginaires se font une guerre sans merci. Un marchand d’armes leur vend à chacun et en l’espace de quelques heures 60 000 obus. Fiction ? Non, comme souvent Hergé avait vu juste. Des trafiquants d’armes sans scrupule agissent aux quatre coins de la planète et le journaliste Laurent Léger, auteur de « Trafic d’armes » a réussi à les rencontrer.

Il nous livre le portrait de Victor Bout, le « Bill Gates » des trafics, né au Tadjikistan en 1967. En Afghanistan, il aurait alimenté en armes aussi bien le commandant Massoud que les Talibans. Un magazine américain l’a même accusé d’avoir vendu un avion à Ben Laden. Est-il pour autant interdit de séjour aux Etats-Unis ? Pas du tout, car le trafiquant travaille également pour les Américains. « Pendant qu’une direction de l’ONU le poursuit de ses foudres, une autre direction signe avec lui pour des transports de casques bleus », constate Laurent Léger, qui est connu pour avoir retrouvé la trace d’Alfred Sirven, ancien directeur d’Elf, aux Philippines.

70 dollars pour une kalachnikov.

Imaginez 68 tonnes d’armes légères, de missiles sol-air, de grenades, acquise par une société de Gibraltar auprès de l’Ukraine. La cargaison est soi-disant achetée par le Burkina Faso. Mais elle va se retrouver au Libéria, transportée par un avion immatriculé aux îles Caïmans et appartenant à une société monégasque. « A la demande du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, […] Désormais, l’Helvétie n’est plus un paradis pour les marchands d’armes. Il est fini le temps où Adnan Kashoggi et Georges Starckmann appréciaient le secret bancaire et la législation peu contraignante de la Confédération.

Le journaliste raconte encore que « faire un coup d’Etat dans un petit pays africain ne coûte pas très cher, c’est le prix d’un appartement à Paris ».

Face à une armée mal entraînée, pas payée depuis des mois, il suffit de 300 hommes, 300 fusils, une trentaine de camionnettes pour les transporter, pour se rendre maître d’une capitale en quelques heures. Une kalachnikov se brade 70 dollars pièce en Biélorussie.

Trafic d’armes, drogue et financement politique

Autre révélation de ce livre : les services secrets des grands Etats savent parfaitement où l’on peut trouver des armes, qui en a besoin et le cheminement que prendra le matériel militaire.

« Si on voulait stopper tous les trafics d’armes, ce pourrait être fait en dix-huit mois. On pourrait très facilement tarir les réseaux d’alimentation », révèle Guy Deluzurieux, ancien lieutenant-colonel de la DGSE, les renseignements extérieurs français.

Alors pourquoi ne fait-on pas cesser ce commerce de mort ?

Beaucoup trop lucratif.

«  Il faut savoir qu’en enquêtant sur les trafics d’armes, on tombe toujours sur d’autres trafics : drogue, financement politique ou autres », conclut l’ancien espion.

« Trafic d’armes. Enquête sur des marchands de mort », Editions Flammarion, septembre 2006.

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