Le trouble jeu des trafiquants d’armes

Samedi 4 août 2007 — Dernier ajout mercredi 5 septembre 2007

Livre.

Le journaliste Laurent Léger mène l’enquête sur les « marchands de mort » et ce qui les lie aux services secrets.

Le trouble jeu des trafiquants d’armes

Par Thomas HOFNUNG

QUOTIDIEN : jeudi 28 décembre 2006

Trafics d’armes, enquête sur les marchands de mort par Laurent Léger. Flammarion, 342 pp., 20€.

Vous avez aimé Lord of War, le film d’Andrew Niccol sur l’irrésistible ascension d’un marchand d’armes incarné par Nicholas Cage ? Vous lirez avec gourmandise l’ouvrage du journaliste d’investigation Laurent Léger sur les « marchands de mort ». Un sujet en or pour les amateurs d’espions, de livraisons clandestines dans des aéroports improbables et de rendez-vous interlopes dans les bars d’hôtels luxueux. Au fil des pages, on croise des « stars » de la profession : le Russe Viktor Bout, le Français Robert Montoya ou encore le Belge Jacques Monsieur. Et comme dans le film de Niccol, le lecteur voyage de Moscou à Johannesburg, en passant par Sarajevo, Tel-Aviv, Kaboul ou Kinshasa.

Durant son enquête au long cours, Laurent Léger s’est souvent heurté à des fins de non-recevoir. Ne rencontre pas qui veut le mystérieux Viktor Bout, surnommé « le Bill Gates des trafics », qui tout en livrant des armes aux quatre coins du monde avec sa flottille d’avions, a transporté des Casques bleus en Somalie… Les « marchands de mort », on s’en doute, n’aiment guère la publicité, ils ne s’épanouissent que dans la pénombre. Sauf quand leurs ennuis avec la justice les incitent à se découvrir. C’est le cas de Jacques Monsieur, traqué par la justice française pour ventes d’armes illégales à l’Angola ou au Congo à partir de l’Hexagone.

Mais c’est surtout en puisant dans des dossiers d’instruction bien peu hermétiques que Laurent Léger parvient à retracer l’itinéraire des trafiquants. Il revient ainsi longuement sur la façon dont Robert Montoya, ancien gendarme de l’Elysée sous Mitterrand, reconverti en businessman au Togo, a livré des équipements militaires au président ivoirien, Laurent Gbagbo. En l’occurrence, des hélicoptères utilisés lors du bombardement de Bouaké qui, en novembre 2004, a fait neuf morts et une trentaine de blessés parmi les soldats français de la force Licorne. En annexe, l’auteur publie un certain nombre de pièces glanées au cours de son enquête, dont une note de la DGSE sur l’affaire de Bouaké.

De la DGSE, justement, il est beaucoup question car tous ces trafics se font au vu et au su des services secrets occidentaux. En effet, nos barbouzes n’ont pas seulement intérêt à suivre de près ce type d’activités, ils cherchent aussi à l’encadrer, voire à l’instrumentaliser pour soutenir tel ou tel mouvement armé dans un pays placé sous embargo international par l’ONU… L’auteur décrit longuement les liens incestueux qui caractérisent les relations entre agents secrets et trafiquants.

A l’heure de la retraite, les premiers se reconvertissent souvent en fournisseurs d’armes.

Boris Vian avait tort : les marchands de canon ont encore de beaux jours devant eux.

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Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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