Rwanda, une tragédie suisse

Lundi 25 mai 2020

Rwanda, une tragédie suisse

OPINION. Avec la fin de la longue cavale, favorisée par le Conseil fédéral, du génocidaire Félicien Kabuga, revient le souvenir douloureux d’une entreprise de développement sans doute généreuse. Mais aveugle

Alain Campiotti Publié lundi 25 mai 2020 à 11:16 Modifié lundi 25 mai 2020 à 11:18

Au cœur des ténèbres… Si Joseph Conrad, plutôt que s’enfoncer dans le Congo des Belges, avait pu s’aventurer dans le Rwanda des Suisses, il aurait écrit les mêmes mots : « L’horreur ! L’horreur ! » Un roman vraiment noir, qu’un vieux monsieur en cavale nous force à revisiter. Car si Félicien Kabuga, qui vient d’être arrêté près de Paris, a pu échapper pendant un quart de siècle aux juges qui le poursuivaient pour génocide, il le doit à la Suisse.

C’était l’été 94. Le Rwanda sortait à peine, ensanglanté, des effrayants massacres qui avaient ravagé le pays et tétanisé le monde depuis avril. Le régime des tueurs s’effondrait sous les coups d’un Front patriotique, et ses chefs prenaient la fuite. Kabuga, riche soutien du système, lié par deux mariages au président Juvénal Habyarimana, propagandiste de la haine, importateur en gros de machettes pour armer les assassins, était l’un d’eux. Grâce à un gendre, diplomate espion à Berne et ami d’un haut fonctionnaire fédéral, il avait obtenu sans peine un visa suisse pour lui et sa nombreuse famille. Ça s’est su et ce fut un beau scandale. Deux conseillers fédéraux, Kaspar Villiger et Flavio Cotti, s’écharpaient en public – pour la galerie. Le Rwandais put s’envoler, expulsé, hors de portée des juges. Lire la suite.

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