Mirabaud n’a pas vérifié les 100 millions de Juan Carlos

Mercredi 8 juillet 2020

Mirabaud n’a pas vérifié les 100 millions de Juan Carlos

08/07/2020 | 16:55

Genève (awp) - La banque privée Mirabaud n’a pas procédé à des vérifications au moment d’accepter les 100 millions de dollars versés par feu Abdullah Bin Abdelaziz, alors souverain d’Arabie Saoudite, sur le compte dont l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos était le bénéficiaire. C’est ce que l’associé gérant senior Yves Mirabaud a déclaré en mars au Ministère public genevois, rapporte El País.

Yves Mirabaud a été entendu le 11 mars par le procureur Yves Bertossa dans le cadre du scandale entourant l’ancien roi d’Espagne, précise l’article du quotidien espagnol, dont les informations ont été confirmées mercredi à AWP par une source proche du dossier.

Juan Carlos Ier est accusé d’avoir touché des commissions illégales sur des marchés publics, en particulier pour la construction d’un train à grande vitesse en Arabie Saoudite. De l’argent a transité par la Suisse, à Genève.

Lorsqu’il s’est agi d’autoriser le virement des 100 millions de dollars (94 millions de francs suisses au cours actuel) en 2008, le groupe bancaire genevois a fait confiance au gérant externe du compte Mirabaud dont Juan Carlos était l’ayant droit économique, précise le journal. Le conseiller a présenté le montant comme un simple don du roi saoudien à son homologue espagnol.

Yves Mirabaud a expliqué au parquet qu’il « ignorait les coutumes des pays arabes ». « Avez-vous procédé à des vérifications ? » s’est enquis Yves Bertossa. « Non », a répondu M. Mirabaud, selon les passages du procès-verbal reproduits par El País.

L’audition du banquier genevois a également tourné autour de la fermeture du compte en 2012 et le transfert de l’argent vers un autre établissement genevois, Gonet & Cie, plus précisément auprès de la filiale Gonet Bahamas à Nassau.

Par « amour » et « gratitude »

Le collège des associés de Mirabaud a décidé de terminer la relation bancaire au moment où Juan Carlos faisait la Une de nombreux journaux. « Je pense notamment à un voyage en Afrique pour chasser les éléphants », a expliqué Yves Mirabaud au procureur.

Lors de ce séjour au Botswana, le roi d’Espagne s’est fracturé la hanche. L’accident a attiré l’attention de la presse, qui a découvert que le souverain s’adonnait à la chasse aux éléphants en compagnie d’une femme - sa maîtresse - et le fils de celle-ci.

C’est justement sur le compte de cette femme, Corinna Larsen, que les fameux 100 millions ont finalement atterri. Celle-ci a expliqué à Yves Bertossa que le virement ne visait pas à « se débarrasser de l’argent » mais était motivé par la « gratitude » et l’« amour » de Juan Carlos vis-à-vis de sa maîtresse, lit-on dans El País.

Devant le procureur genevois, Mme Larsen aurait affirmé que Nicolas Gonet lui a proposé d’ouvrir un compte aux Bahamas, ce qu’a réfuté de son côté le directeur général du groupe bancaire. « Je suis catégorique sur le fait que c’est Corinna qui a voulu ouvrir un compte chez Gonet Bahamas. Il aurait été préférable pour la banque que le compte soit ouvert en Suisse », a-t-il assuré à M. Bertossa.

Dans une prise de position écrite, Gonet & Cie explique n’avoir aucun commentaire à faire sur l’article. « Nous collaborons naturellement avec la justice quand cela est nécessaire. » Personne n’était disponible chez Mirabaud pour réagir à ces informations.

Dans cette affaire, la banque Mirabaud est prévenue de blanchiment d’argent aggravé. Yves Mirabaud et Nicolas Gonet ont été entendus en qualité de personnes appelées à donner des renseignements.

fr/al

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