« FinCEN Files » : comment les grandes banques mondiales ferment les yeux sur les mouvements d’argent sale

Dimanche 20 septembre 2020

Les décodeurs FinCEN Files

« FinCEN Files » : comment les grandes banques mondiales ferment les yeux sur les mouvements d’argent sale

La nouvelle enquête conduite par l’ICIJ et 108 médias internationaux montre que les plus grandes banques mondiales restent poreuses au blanchiment d’argent et peinent à lutter contre la circulation de l’argent sale.

Par Anne Michel, Maxime Vaudano et Jérémie Baruch Publié aujourd’hui à 19h04, mis à jour à 19h44

Stratégiques et vitales pour l’économie, les banques sont devenues, au fil des crises financières, l’un des secteurs les plus régulés au monde. Pourtant, malgré les règles et les contrôles, le secteur bancaire mondial reste poreux au blanchiment d’argent et peine à lutter contre la circulation de l’argent sale, selon les « FinCEN Files », la nouvelle enquête conduite par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) avec le site d’information américain BuzzFeed News et 108 médias internationaux, dont Le Monde.

Cette enquête se fonde sur l’examen de plus de 2 100 « rapports d’activité suspecte » (suspicious activity reports, SAR) transmis par des banques du monde entier à l’autorité de lutte antiblanchiment américaine, le FinCEN (Financial Crimes Enforcement Network). Ces SAR sont l’équivalent américain des déclarations de soupçon que doivent transmettre les banques françaises à la cellule antiblanchiment Tracfin, dès lors qu’elles soupçonnent un risque de blanchiment, de financement du terrorisme ou de contournement de sanctions et d’embargos. Une circulation passive

Ces rapports ultraconfidentiels représentent un total de près de 2 100 milliards de dollars (1 773 milliards d’euros) de transactions suspectes, réalisées pendant près de vingt ans, de 1999 à 2017. Ils montrent que les banques, qui assurent l’essentiel des transactions financières internationales, font parfois circuler passivement, à travers les comptes bancaires de personnes ou de sociétés qu’elles n’ont pu identifier, de l’argent susceptible de relever du blanchiment, issu d’activités illégales (fraude fiscale, argent du crime, trafic de drogue, d’armes, d’œuvres d’art, etc.).

« La banque joue le rôle de la voiture dans laquelle les cambrioleurs fuient après le braquage » – Thomas Creal, expert en criminalité financière

Ces documents ont été obtenus par BuzzFeed News. Ils sont en grande partie issus de la fuite de dossiers collectés par la commission d’enquête du Congrès américain sur les ingérences supposées de la Russie dans la campagne présidentielle de 2016, qui a abouti à la victoire de Donald Trump. Ces déclarations de soupçon, qui ne représentent que 0,02 % des SAR reçues par la cellule antiblanchiment américaine entre 2011 et 2017, se limitent donc à une série de personnalités, d’entreprises et de banques liées de près ou de loin à l’affaire russe. Mais si le prisme de l’enquête est avant tout américain, ces documents révèlent incidemment l’ampleur des mouvements suspects d’argent transitant par les plus grandes banques mondiales. Lire la suite.

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