Vingt ans après un article sur l’affaire du juge Borrel, « Le Monde » est relaxé

Vendredi 25 septembre 2020

Société Justice

Vingt ans après un article sur l’affaire du juge Borrel, « Le Monde » est relaxé

Le journal avait mis en cause l’impartialité des juges d’instruction, alors que la piste du suicide de ce magistrat, en 1995, à Djibouti, semblait privilégiée. Affaire requalifiée depuis en « assassinat ».

Par Jean-Baptiste Jacquin Publié aujourd’hui à 19h34

Plus de vingt ans après les faits et douze décisions de justice plus tard, la cour d’appel de Paris a relaxé, jeudi 24 septembre, Franck Johannès, journaliste au Monde, et Jean-Marie Colombani, ancien directeur du journal, poursuivis pour « diffamation » par deux juges d’instruction. Cet article, publié le 7 septembre 2000 dans nos colonnes au sujet de l’affaire du magistrat Bernard Borrel, retrouvé mort à Djibouti le 19 octobre 1995, a donné lieu à une bataille judiciaire aux multiples rebondissements. L’enquête avait, pendant plusieurs années, privilégié la thèse d’un suicide.

Sous le titre « Affaire Borrel, remise en cause de l’impartialité de la juge Moracchini », le journaliste relayait les propos d’Olivier Morice, avocat de la veuve, Elisabeth Borrel, dénonçant « l’étendue de la connivence qui existe entre le procureur de Djibouti et les magistrats français ». Il était reproché aux deux juges d’instruction, Marie-Paule Moracchini et Roger Le Loire, dessaisis du dossier quelques mois plus tôt, de n’avoir pas transmis au nouveau magistrat instructeur la cassette vidéo de leur transport sur les lieux du drame. Un comportement qualifié de « parfaitement contraire aux principes d’impartialité et de loyauté » par Me Morice. Un mot manuscrit du procureur de Djibouti adressé en des termes familiers à Mme Moracchini était également évoqué dans l’article.

Poursuivis par les deux juges d’instruction, le directeur de la publication du Monde, le journaliste et l’avocat avaient été condamnés pour « diffamation » et « complicité de diffamation » à de lourdes amendes par le tribunal de Nanterre, en 2002. Condamnations réaffirmées et devenues définitives en 2009, après deux passages devant la Cour de cassation et deux arrêts de cour d’appel.

Evolution de la liberté d’expression

Pour les mêmes faits, MM. Johannès et Colombani sont aujourd’hui relaxés de toute poursuite – Me Morice l’a été dès 2016 par une décision de la Cour de cassation réunie en assemblée plénière. Que s’est-il passé entre-temps ?

« Cette affaire révèle l’extraordinaire évolution de la liberté d’expression et du droit à l’information en France depuis vingt ans. Condamnés hier, ils sont relaxés aujourd’hui par la cour d’appel pour un motif extrêmement fort », analyse François Saint-Pierre, l’avocat du journal et des deux intéressés. Dans son arrêt, la cour juge que « la liberté d’expression reconnue à l’avocat hors des prétoires implique la possibilité pour le journaliste d’informer le public de ces propos lorsqu’il le fait (…) en s’appuyant sur une base factuelle suffisante dans le cadre d’un débat d’intérêt général ». Lire la suite.

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