Prigojine, de la restauration aux basses oeuvres du Kremlin

Mardi 15 décembre 2020

Prigojine, de la restauration aux basses œuvres du Kremlin

AFP Publié le 15/12/2020 à 12:54 | AFP

Envoi de mercenaires en Afrique et en Syrie, ingérence électorale aux Etats-Unis, menaces contre l’opposant Navalny : le nom d’Evguéni Prigojine revient dans de nombreux dossiers troubles du régime du président russe Vladimir Poutine. Avec peu de certitudes.

Originaire de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) comme M. Poutine, Evguéni Prigojine, 59 ans, a connu des débuts modestes. Mais il est aujourd’hui dans le premier cercle des proches du maître du Kremlin.

Inculpé entre autres pour vol et fraude à l’époque soviétique, il passe neuf ans en prison et en émerge en 1990, alors que l’URSS est en train de s’effondrer. Dans le chaos des années suivantes, il monte d’abord une affaire à succès de vente de hot dogs.

Il lance ensuite plusieurs activités dans la restauration, dont un restaurant de luxe à Saint-Pétersbourg où vient dîner le jeune Vladimir Poutine, qui passe alors des services secrets à la mairie de la ville.

Son groupe, nommé Concord, officiera pendant un temps au Kremlin. C’est cela qui vaut à Prigojine le sobriquet de « cuisinier de Poutine ».

Fuyant la lumière, les images et les apparitions publiques sont rares pour cet homme au crâne rasé et au regard perçant, toujours vêtu d’un costume sombre.

L’un des clichés les plus connus de lui le montre en 2011, penché sur un Vladimir Poutine attablé auquel il présente un plat.

Réputé milliardaire bien que sa fortune ne soit pas connue, plusieurs médias lui prêtent un vaste et lucratif empire bâti à coups de contrats publics.

Des politiques, médias et activistes d’opposition l’accusent d’être l’homme qui exécute les basses œuvres de M. Poutine, alors que son nom figure depuis plusieurs années dans de nombreux dossiers compromettants pour la Russie à l’étranger.

Il a été sanctionné par Washington, qui l’accuse d’avoir joué un rôle dans l’ingérence russe dans la présidentielle américaine de 2016 par le biais d’une « usine à trolls ».

M. Prigojine nie toute implication et a réclamé en mars 50 milliards de dollars de compensations aux Etats-Unis.

L’homme d’affaires est aussi accusé - ce qu’il nie également - d’être derrière le groupe paramilitaire privé russe Wagner, dont les hommes servent notamment en Syrie, en Libye et dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne.

En 2018, trois journalistes russes enquêtant sur Wagner ont été tués en Centrafrique.

Vendetta contre Navalny

L’Union européenne a récemment sanctionné M. Prigojine à cause du rôle de ces paramilitaires dans le conflit libyen. Il a annoncé mardi contester ces sanctions devant la justice européenne.

Ces derniers mois, il est sorti de sa réserve habituelle, communiquant via le compte de son groupe Concord sur le réseau social russe VKontakte.

Dans de nombreux communiqués, il s’en prend à l’opposant Alexeï Navalny, actuellement en Allemagne, où il se trouve après avoir été empoisonné en Sibérie.

Il n’a pas mâché ses mots contre l’activiste, dont les enquêtes ciblant la corruption des élites russes engrangent des millions de vues sur les réseaux sociaux, promettant dans un langage fleuri de le « ruiner », sauf s’il « rend l’âme ».

En septembre, M. Prigojine a ainsi annoncé avoir envoyé de l’argent à l’hôpital de la Charité de Berlin - que l’établissement a refusé - pour payer les soins de M. Navalny, afin qu’il « guérisse pleinement, car il me doit de l’argent ».

Car l’homme d’affaires réclame à l’opposant et son organisation le versement de dommages et intérêts, gagnés en justice suite à la publication d’une enquête affirmant qu’une société collaborant avec le groupe Concord avait servi de la nourriture avariée dans des écoles.

Ses remarques à l’adresse de M. Navalny sont aussi souvent méprisantes.

« Je peux lui proposer de dormir pour pas cher devant ma porte », a raillé l’homme d’affaires, après le gel par les autorités russes de la part détenue par l’opposant dans un appartement à Moscou.

15/12/2020 12:52:24 - Moscou (AFP) - © 2020 AFP

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