Affaire de Karachi : pour Edouard Balladur et François Léotard, l’esquive ne paie pas

Mercredi 3 février 2021

Société Affaire Karachi

Affaire de Karachi : pour Edouard Balladur et François Léotard, l’esquive ne paie pas

Le ministère public a requis un an avec sursis à l’encontre de l’ex-premier ministre et deux ans avec sursis contre son ministre de la défense de l’époque.

Par Béatrice Gurrey Publié aujourd’hui à 06h05, mis à jour à 06h06

Il y a ceux qui rejettent toute la faute sur les autres ; ceux qui n’ont rien vu, rien su, rien pu faire ; ceux qui étaient si haut perchés sur l’Olympe qu’ils ne discernaient pas ce qui se passait en bas. Ceux, nombreux, qui ont perdu la mémoire. Parfois, ce sont les mêmes, ou ils alternent les rôles. Témoins ou prévenus, présents ou absents, c’est fou comme le procès d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République (CJR) – pour le financement occulte supposé de la campagne présidentielle de 1995, grâce à des rétrocommissions sur des ventes d’armes – a produit de légions d’amnésiques.

D’évitements en petites lâchetés, de mensonges flagrants en délations écrites, de contradictions en questions suspendues, le procès est ainsi allé son train depuis le 19 janvier, malgré l’aiguillon constant du président Dominique Pauthe et de quelques juges. Jusqu’au mardi 2 février, où ce petit théâtre d’illusionnistes formé par les prévenus et les témoins a volé en éclats sous le réquisitoire du procureur de la République François Molins.

Décliné avec l’avocat général Philippe Lagauche, en l’absence des prévenus, il frappe davantage par la rigueur des arguments retenus que par les sanctions requises : un an de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour Edouard Balladur, 91 ans ; le double, soit deux ans avec sursis et 100 000 euros d’amende pour François Léotard, 78 ans. Personne ne pensait qu’à leur âge, l’ancien chef du gouvernement et l’ancien ministre de la défense finiraient en prison.

Pour autant, dans ce procès hautement symbolique, ils ne méritent pas d’indulgence, soutient en substance le parquet, et les faits de complicité d’abus de biens sociaux et de recel de ce délit sont constitués.

Avant d’entrer dans le vif de sa démonstration, M. Molins énumère les difficultés de la procédure : le temps écoulé – vingt-cinq ans –, l’âge des prévenus, l’absence de certains témoins – volontaire ou pas –, la mort de deux personnages clé : Jacques Douffiagues, ex-président de la Sofresa, et le cheikh Ali Ben Moussalem, membre du fameux « réseau K » (pour King, le roi Fahd d’Arabie saoudite), intermédiaire des ventes d’armes, avec Abdul Rahman Al Assir et Ziad Takieddine – en fuite. Leurs « témoignages auraient été bien utiles ». Il a fallu faire sans.

Montages financiers opaques

Le procureur évoque « [le] sentiment de malaise et [le] goût d’inachevé » que les audiences précédentes peuvent avoir laissé. La faute aux prévenus, entre autres, qui n’ont, délibérément, pas répondu aux questions qu’on leur posait. Lire la suite.

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