Dettes fiscales de l’ex-roi d’Espagne : une polémique et de nombreuses questions

Dimanche 28 février 2021

Dettes fiscales de l’ex-roi d’Espagne : une polémique et de nombreuses questions

Source AFP

Publié le 27/02/2021 à 18h04

L’Espagne se posait des questions samedi sur les conditions du règlement d’une dette fiscale de près de 4,4 millions d’euros par l’ancien roi Juan Carlos Ier, actuellement en exil à Abu Dhabi et visé par trois enquêtes.

Au lendemain de la confirmation par son avocat de cette régularisation fiscale, plusieurs médias, dont les quotidien El Pais et El Mundo, affirmaient que cette ardoise a pu être réglée grâce aux prêts d’une dizaine d’amis, hommes d’affaires ou aristocrates, l’ancien roi ne pouvant rassembler une telle somme.

Mais « il faudrait se demander si ce sont effectivement des prêts ou des donations maquillées », relève Carlos Cruzado, président du principal syndicat du ministère des Finances Gestha, dans un entretien à l’AFP.

Car les donations sont « soumises à l’impôt » contrairement aux prêts, ajoute-t-il. Une lourde imposition de l’ordre de 40 %, selon El Pais.

Ce versement de 4.395.901,96 euros doit permettre au roi de s’acquitter des obligations fiscales découlant de vols en jet privé, d’une valeur de 8 millions d’euros selon la presse, payés par une fondation basée au Liechtenstein appartenant à l’un de ses cousins éloignés. Des avantages en nature devant normalement être déclarés au fisc.

Mais El Mundo souligne que l’ancien roi ne régulariserait que 5 années de voyages payés par cette fondation, de 2014 à 2018 après son abdication et la perte de son immunité de chef d’Etat, alors que selon ce quotidien, elle lui avait financé ses voyages depuis 2006.

Administrations complices ?

Cette régularisation fiscale a déclenché une tempête politique en Espagne, le Premier ministre Pedro Sanchez ayant, dans des termes inhabituellement durs, exprimé sa « répulsion » et celle de la « majorité » des Espagnols face à des agissements « inciviques ».

Mais le gouvernement et l’administration font eux aussi l’objet de questions.

Dans son éditorial intitulé « La démocratie espagnole a besoin d’explications », El Pais, premier quotidien généraliste du pays, demandait samedi à « toutes les institutions qui ont joué un rôle dans ce triste scandale - Fisc, parquet, maison royale et gouvernement » de « dissiper tout soupçon selon lequel l’ancien roi aurait bénéficié d’un traitement de faveur ».

Carlos Cruzado ne cache pas lui aussi ses « doutes » sur le rôle du ministère des Finances.

Malgré « les révélations dans la presse, notamment sur ces paiements effectués par la fondation, les voyages que faisait l’ancien roi avec Corinna (Larsen, son ex-maîtresse allemande), nous ne comprenons pas que le Fisc n’ait pas agi et n’ait pas ouvert d’enquête ». « Cela aurait évité ces régularisations », ajoute-t-il.

C’est en effet la deuxième fois que l’ancien souverain règle ses dettes avec l’administration fiscale.

En décembre, il avait déjà versé près de 680.000 euros, une régularisation liée à une enquête anti-corruption portant sur l’utilisation de cartes de crédit liées à des comptes bancaires aux noms d’un entrepreneur mexicain et d’un officier de l’armée de l’air espagnole.

Les députés des partis indépendantistes catalans ou basques, dont certains sont des soutiens du gouvernement Sanchez au Parlement, ont réclamé la comparution devant la Chambre de la ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, Maria Jesus Montero, pour donner des explications sur une opération dont ils ont dénoncé l’opacité.

Au sein même du gouvernement, le ministre de la consommation Alberto Garzon, représentant du parti de gauche radicale Podemos, a pointé du doigt dans un tweet « l’aveuglement volontaire » face aux agissements de Juan Carlos à force « d’applaudir autant et de façon si courtisane ».

L’ancien roi, âgé de 83 ans, est visé par trois enquêtes au total.

La principale vise à déterminer s’il a empoché une commission dans le cadre de l’attribution à des entreprises espagnoles d’un contrat pour la construction d’un train à grande vitesse en Arabie saoudite en 2011.

Au centre de cette affaire figure un virement de 100 millions de dollars que Juan Carlos aurait, selon le journal suisse La Tribune de Genève, reçu en 2008 de l’ancien roi saoudien Abdallah sur un compte en Suisse.

Depuis son accession au trône, Felipe VI, le fils de Juan Carlos, a pris ses distances avec son père à qui il a retiré en mars 2020 sa dotation annuelle de près de 200.000 euros.

27/02/2021 18:03:44 - Madrid (AFP) - © 2021 AFP

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