L’ex-dictateur Noriega aux portes de la justice française

Mercredi 29 août 2007

PANAMA

L’ex-dictateur Noriega aux portes de la justice française

Julie CLORIS

mardi 28 août 2007, 18h50 | leparisien.fr

Avec un tel nom, on imagine immédiatement un baron de la drogue, personnage sanguinaire et sans scrupule. Manuel Antonio Noriega, aujourd’hui âgé de 72 ans, n’a pas seulement transformé le Panama en plaque tournante du narcotrafic, il l’a aussi dirigé, comme chef militaire puis président autoproclamé.

Aujourd’hui, cet homme, détenu pour quelques jours encore en Floride, est sous le coup d’une demande d’extradition vers la France. Un juge fédéral américain a confirmé hier la légalité de la demande française.

Techniquement, si la diplomatie américaine suit, le général Noriega, ancien dictateur panaméen, pourrait être amené à purger une peine de prison en France. Il a été condamné à dix ans de réclusion par contumace, en 1999, par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir blanchi des millions, pots de vins des cartels.

Le nom de Noriega est lié à cette confuse histoire de l’Amérique latine, terrain de luttes d’influence, berceau de la drogue et de la puissance financière qu’elle confère, formidable pourvoyeur de richesses agricoles et minières. Né en 1934 dans une famille désargentée du Panama, Noriega, élève sans talent mais avec beaucoup d’entregent, a étudié au Pérou. Il y est recruté par la CIA. Dans les années 1950, les renseignements américains déploient de colossaux moyens pour enrayer les mouvements gauchistes qui, s’armant pays après pays, risquent de noyauter le continent jusqu’aux Etats-Unis et de contrecarrer son développement sans partage.

L’aimable correspondant, de retour dans son pays, devient un sous-off’ émérite, pourchassant les opposants au régime. Chef du service du renseignement panaméen, le G-2, à la fin des années 1960, chef d’Etat-major des armées, il fait et défait les présidents, étouffe toute opposition dans le sang.

Devenu l’homme le plus puissant de l’isthme, « tête d’ananas », en référence à sa peau grêlée, se laisse corrompre par les cartels qui font transiter la drogue par le Panama, convie même Pablo Escobar comme un hôte de marque. Jouant double, voire triple jeu, il renseigne toujours les Etats-Unis.

En 1987, la France lui remet la Légion d’Honneur. Car plus que tout, pour le monde occidental, Noriega est à la tête du couloir le plus emprunté au monde, le plus cher aussi, le canal de Panama, qui raccourcit le trafic maritime. Ainsi, pour aller de New York à San Francisco, un navire parcourt-il 9.500 km en empruntant cette autoroute rapide, contre 22.500 en contournant les caps.

Mais à la fin des années 1980, Noriega devient trop puissant et très gênant. Lynché par les médias américains, il est lâché par la CIA en 1987. Une guerre souterraine commence. En 1992, prenant prétexte de la mort d’un soldat américain, le président George Bush (senior) envoie les forces spéciales. L’« Opération Juste cause » envahit le pays dans le but de capturer le général. Réfugie à la nonciature du Vatican, celui-ci est soumis à une torture psychologique peu commune : pendant des jours, des lumières vives sont braquées sur le bâtiment et des hauts parleurs jouent à pleine puissance du rock’n roll.

Condamné à 40 ans de prison par un tribunal de Miami, puis 30, il sortira le 9 septembre après avoir purgé 15 ans de prison. Sa femme est toujours en fuite. Il risque de purger quinze autres années au Panama pour le meurtre d’un opposant en 1985. Et dix ans en France.

Julie CLORIS

leparisien.com , mardi 28 août 2007, 18h50

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