Un banquier genevois rattrapé par la cagnotte de Juan Carlos

Jeudi 5 août 2021

Un banquier genevois rattrapé par la cagnotte de Juan Carlos

Le patron de Mirabaud est mis « en prévention » pour ne pas avoir signalé l’arrivée de 100 millions de dollars sur un compte de l’ancien roi d’Espagne.

L’ancien roi d’Espagne avait reçu 100 millions de dollars en << cadeau >> de l’ancien roi d’Arabie saoudite.

De notre correspondant à Genève, Ian Hamel Publié le 05/08/2021 à 14h00

En août 2008, le roi Juan Carlos reçoit 100 millions de dollars de la part du roi Abdallah d’Arabie saoudite. Il s’agit officiellement d’un « cadeau ». Le souverain espagnol dépose l’argent sur un compte à la banque Mirabaud. C’est un établissement prestigieux, créé en 1819. Spécialisée dans la gestion de fortune, la gestion d’actifs et le courtage, Mirabaud possède des filiales à Paris, Madrid, Milan, Dubaï. Mais la banque omet d’annoncer l’arrivée de cet argent au Bureau de communication en matière de blanchiment. Elle oublie également de signaler quand, quatre ans plus tard, Juan Carlos reverse une partie des fonds (65 millions d’euros) à sa maîtresse, Corinna zu Sayn-Wittgenstein.

La justice genevoise, saisie de l’affaire en 2020, met alors « en prévention » pour « blanchiment » un avocat, un dirigeant de la société financière Rhône Gestion, administratrice de la fondation Lucum – deux des hommes de confiance du monarque en Suisse –, Corinna zu Sayn-Wittgenstein, ainsi que la banque Mirabaud. En revanche, Juan Carlos, à ce stade de l’enquête, est intouchable en raison de l’immunité de sa fonction de monarque.

Stupeur chez les banquiers

Il est devenu courant de la part des autorités de poursuite pénale de mettre « en prévention » (mettre « en examen » en France) les établissements bancaires. En revanche, il est très inhabituel que la justice s’en prenne au président d’une banque. Yves Mirabaud, associé gérant sénior, est président du conseil d’administration de Mirabaud & Cie SA. Par ailleurs, il préside la Fondation Genève Place financière, et depuis 2015, il était le président de l’Association de banques privées suisses. Une fonction qu’il a été contraint de quitter avec cette mise « en prévention », précise La Tribune de Genève. « Yves Mirabaud conteste vigoureusement tout grief qui pourrait lui être adressé. La banque est confiante dans l’issue favorable de cette procédure », déclare l’établissement.

La presse suisse parle d’une « décision exceptionnelle et potentiellement explosive pour la place financière genevoise ».

[…] Bertossa, père et fils

Le procureur Yves Bertossa, en charge de ce dossier à rebondissements, lance un message clair à la place financière helvétique. Cet ardent défenseur de la lutte contre la délinquance en col blanc, avait déjà annoncé qu’il n’y aurait « aucune tolérance envers ceux qui aident les potentats ». Le magistrat classe-t-il dans son esprit l’ancien souverain espagnol parmi les potentats ? Yves Bertossa est le fils de l’ancien procureur général de Genève, Bernard Bertossa, en poste de 1990 à 2002, puis juge au Tribunal pénal fédéral.

Ce magistrat s’est notamment fait connaître comme signataire de l’appel de Genève en 1996, qui réclamait une meilleure coopération internationale pour lutter contre le crime organisé et le blanchiment d’argent. Son fils Yves s’est déjà illustré en ordonnant l’arrestation d’Hannibal Kadhafi en juillet 2008, soupçonné de tabasser ses domestiques dans un cinq-étoiles à Genève. C’est également lui qui a répondu avec célérité aux demandes judiciaires françaises dans l’affaire Cahuzac. Lire la suite.

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