Le secteur privé russe s’inquiète du poids grandissant du Kremlin dans l’économie

Vendredi 31 août 2007

ECONOMIE : Le secteur privé russe s’inquiète du poids grandissant du Kremlin dans l’économie

Date de parution : Vendredi 31 août 2007

Auteur : Benjamin Quénelle, Moscou

AFFAIRES. Une nouvelle intrigue politico-judiciaire a été initiée contre Roussneft, un groupe pétrolier privé, comme Yukos. Ses gisements risquent de subir le même sort : finir dans les mains de l’Etat.

Alors que l’ombre de l’affaire Yukos pèse sur une autre compagnie pétrolière russe, le secteur privé s’inquiète de la volonté de l’Etat d’accroître toujours plus sa mainmise sur l’or noir. « Nous trouvons inquiétant le renforcement des compagnies d’Etat », a déclaré sans ambages hier Vaguit Alekperov, le patron de Lukoil, numéro deux pétrolier de Russie. Une déclaration d’autant plus audacieuse que, certes privé, ce groupe s’était montré prudent jusque-là avec le pouvoir. En particulier, il n’a pas ouvertement critiqué les autorités lors des poursuites politico-judiciaires contre Yukos, l’ex-géant pétrolier de l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, que le Kremlin du président Poutine est soupçonné d’avoir fomentées pour se débarrasser d’un potentiel adversaire politique et placer les gisements de son groupe sous le giron de l’Etat.

« Nous ne voudrions pas qu’il existe une division entre compagnies publiques et privées », a prévenu hier Vaguit Alekperov. Hasard ou non, cette mise en garde intervient alors que, dans la plus grande confusion, une mini-affaire Yukos a été lancée contre le groupe Roussneft et son fondateur, Mikhaïl Goutseriev. La compagnie (septième du secteur, avec une production de 17 millions de tonnes l’an passé et des réserves récupérables de 630 millions de tonnes) et l’oligarque (3 milliards de dollars de fortune personnelle) n’ont certes pas le même poids que Yukos et Khodorkovski. Mais les récentes poursuites initiées contre Roussneft sont bel et bien « une réminiscence de l’attaque contre nous », a déclaré Alexandre Temerko, l’un des ex-vice-présidents de Yukos, réfugié à Londres.

C’est d’ailleurs vers Londres que Goutseriev chercherait à prendre la fuite. Poursuivi pour fraudes fiscales et activités illégales depuis mai, il a été mis mardi sous le coup d’un mandat d’arrêt, le tribunal affirmant ne pas savoir où il se trouve. Le 30 juillet, il avait ouvertement dénoncé « la traque sans précédent » montée selon lui par les autorités pour le forcer à quitter le pétrole.

Première bataille perdue

Paradoxalement, derrière cette formule choc, il avait annoncé sa démission de Roussneft et sa volonté de vendre ses parts dans le groupe. Avec pour repreneur potentiel Oleg Deripaska, l’oligarque réputé proche du Kremlin et soupçonné de vouloir reprendre Roussneft au prix bas pour ensuite le mettre sous le contrôle de l’Etat. « Le résultat sera le même… » ironise Alexandre Temerko, l’ex-dirigeant de Yukos, dont le groupe a été démantelé et repris en grande partie par Rosneft, la compagnie pétrolière publique et désormais leader du secteur.

Il y a deux semaines à peine, Goutseriev a déjà perdu une première bataille judiciaire : 100% des actions de son groupe ont été saisies. Une mesure devant permettre au fisc de pouvoir récupérer les arriérés d’impôts. Mais depuis, selon des sources au Kremlin citées par le journal Kommersant, le sort du groupe a suscité de vives rivalités entre divers clans au pouvoir. Avec dans les premiers rôles : Igor Setchine, figure clef de l’administration présidentielle, mais aussi président de Rosneft. C’est lui qui est soupçonné d’avoir orchestré l’affaire Yukos pour confier ses gisements à des mains publiques.

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