L’ombre du blanchiment plane sur la principauté

Vendredi 7 septembre 2007

L’ombre du blanchiment plane sur la principauté

Soupçonné d’être un paradis fiscal, le Rocher tente de corriger son image.

Par Renaud LECADRE

jeudi 07 avril 2005 (Liberation - 06:00)

Monaco, 200 ha, 32 000 habitants, 350 000 comptes bancaires abritant 60 milliards d’euros. Et à peine une cinquantaine de déclarations de soupçons antiblanchiment par an. La principauté peine à se défaire de son image de paradis fiscal perméable aux manipulations financières.

Pourtant, Monaco n’a jamais été formellement placé sur la liste noire des pays dits « non coopératifs en matière de lutte contre l’argent sale » et susceptibles de sanctions internationales. En juin 2000, le Gafi (Groupe d’action financière), l’organisme chargé de la lutte contre le blanchiment au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), avait renoncé in extremis à y classer le Rocher. Monaco ne figure que sur une liste grise, aux côtés du Liberia, des îles Marshall, Vanuatu et Nauru, dont le comportement n’est que « potentiellement dommageable ».

De France, des propos plus sévères ont été tenus par des électrons libres. Comme François d’Aubert, député UDF, auteur d’un rapport sur la Mafia : « Une partie des profits considérables des organisations criminelles, après avoir été blanchie à Monaco, est ensuite réinvestie en France. » Puis Arnaud Montebourg, député PS, auteur d’un rapport sur le blanchiment : « La loi monégasque est une vitrine luxueuse dont l’arrière-cuisine abrite des réalités moins reluisantes. » Ou Charles Duchaine, magistrat français détaché à Monaco de 1995 à 1999 : « Ici, […] la justice est verrouillée pour mieux protéger les riches investisseurs qui font la fortune et le prestige du territoire princier. » Rainier avait alors piqué une colère, menaçant de rompre les relations franco-monégasques. Avant de revenir à la table des négociations. Car son plaidoyer, un rapport interne baptisé « Mythes et Réalités », affirmant que le Rocher « ne justifie aucunement la qualification de paradis fiscal », avait bien fait rigoler.

C’est surtout l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe, en 2004, qui l’a forcé à offrir un meilleur profil. Depuis, l’entraide judiciaire internationale fonctionne un peu mieux. Dans l’affaire de l’Angolagate, où Jean-Christophe Mitterrand a encaissé des honoraires à l’agence monégasque de la banque Rothschild, dans l’affaire Pasqua, où des casinotiers proches de l’ancien ministre de l’Intérieur ont touché des fonds au Crédit foncier de Monaco, et même dans la récente affaire de transferts suspects au sein du football français, la justice monégasque fait parfois mieux qu’aider son homologue française. Elle ouvre elle-même des procédures, à condition toutefois qu’elles ne visent pas des proches du palais. En 1996, dans une enquête visant un compte bancaire commun à Daniel Ducruet, ex-époux de la princesse Stéphanie, et un Italien arrêté pour escroquerie, la justice monégasque avait tout simplement ôté du dossier des pièces compromettantes.

La France ne vaut parfois guère mieux. En 2000, le juge Murciano mettait en examen André Palmero, gestionnaire de la fortune privée de Rainier, dans une affaire de trafic de timbres portant sur 35 millions d’euros. Avant même que Rainier n’ait le temps d’intervenir auprès des autorités françaises, la justice hexagonale dessaisissait Murciano. Depuis, plus rien.

© libération

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