Dimanche 16 Septembre 2007
Ocean Jasper : Le capitaine en fuite
Par Adeline FLEURY (avec Sophie PEVOST à Brest)
Le Journal du Dimanche
illustration : Laurent Fichot, le procureur de Morlaix, n’avait pas de moyen juridique de retenir les suspects en France. (Maxppp)
Stupeur jeudi quand le procureur de Morlaix a annoncé que les responsables du cargo Ocean Jasper, soupçonnés d’être à l’origine du naufrage du Sokalique, avaient disparu du navire, immobilisé à Brest depuis le 17 août. Un marin breton était mort dans la collision. Nicolas Sarkozy s’était emparé ce de drame mais aucune mesure judiciaire ne les obligeait à rester à Brest. La polémique enfle.
Où sont passés les trois marins de l’Ocean Jasper ? Depuis l’annonce vendredi de la disparition du capitaine du cargo, de son second et d’un matelot, tous trois originaires d’Azerbaïdjan, l’indignation des marins pêcheurs du Finistère ne faiblit pas. Ce vraquier appartenant à un armateur turc et naviguant sous pavillon des îles Kiribati est soupçonné d’avoir causé le naufrage du caseyeur de Roscoff Sokalique, le 17 août au large de l’île d’Ouessant, et la noyade de son capitaine Bernard Jobard, 58 ans. L’Ocean Jasper, qui aurait refusé la priorité au Sokalique, ne s’était pas arrêté pour secourir les naufragés après la collision.
Yvette Jobard, veuve de la victime, ne décolère pas : « C’est un scandale, c’est la deuxième fois que cet officier prend la fuite. Tous les pêcheurs de Roscoff et de Plouescat sont écœurés. Nous espérons qu’il sera vite retrouvé. » Ce qui n’est pas gagné d’avance, si l’on en croit une rumeur persistante relayée hier par Le Télégramme de Brest, selon laquelle les trois Azerbaïdjanais auraient déjà regagné leur pays. Hier, le procureur de Brest, Xavier Tarabeux, se refusait à tout commentaire sur ce sujet. « L’enquête de la police judiciaire suit son cours. Les trois marins ont été inscrits au fichier des personnes recherchées », a-t-il indiqué au JDD.
« Pas de mesure coercitive à l’encontre de l’équipage »
Depuis le naufrage du Sokalique, l’Ocean Jasper est au cœur d’un imbroglio juridique. L’accident s’étant produit dans les eaux internationales, l’équipage doit en principe être jugé par l’Etat du pavillon du navire. Mais Nicolas Sarkozy s’est engagé à tout faire pour que les marins de l’Ocean Jasper passent en procès en France. S’il a obtenu d’immobiliser le bateau le temps de l’enquête, on attend encore une réponse des autorités kiribatiennes quant au lieu de la tenue du procès.
L’Ocean Jasper est à quai dans l’enceinte militaire de l’arsenal de Brest. Il fait l’objet d’une saisie conservatoire dans le cadre d’une procédure civile initiée par les assureurs du Sokalique. « Seul le bateau est immobilisé, pour des raisons administratives et non judiciaires. Aucune mesure coercitive n’est donc possible à l’encontre de l’équipage », affirme Laurent Fichot, procureur de la République de Morlaix, en charge de l’enquête sur le naufrage. Son homologue brestois ne partage pas tout à fait le même point de vue : "Ils ont le droit de circuler mais dans la limite de Brest, conformément aux règles applicables aux marins en escale", estime-t-il.
Sur le port de Brest, cela ne fait aucun doute, « le capitaine a abandonné le navire ». "Les trois marins qui ont disparu étaient les plus impliqués dans le naufrage du Sokalique, assure Jean-Paul Hellequin, de la CGT des marins. Le commandant avait initié le délit de fuite, le second était de quart au moment de l’accident, et le matelot de veille." A la préfecture maritime, on indique que l’armateur turc avait fait parvenir à un courtier maritime 5.000 euros qui ont été remis cette semaine au capitaine ; 150 euros ont été distribués aux marins pour leur ravitaillement en vivres. « A quoi a été destiné le reste de la somme ? A financer la fuite ? » s’interroge-t-on du côté du port de commerce.
Aujourd’hui, quatre marins restent à bord de l’Ocean Jasper. Si l’armateur ne nomme pas un nouveau capitaine sous quarante-huit heures, le navire sera considéré comme à l’abandon.
2007 © Le Journal du Dimanche
Publié avec l’aimable autorisation du Journal Du Dimanche.
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