« Ocean Jasper » : les marins azéris exfiltrés par leur consulat

Mercredi 19 septembre 2007

« Ocean Jasper » : les marins azéris exfiltrés par leur consulat

illustration : Le vraquier Ocean Jasper, immobilisé sur la base navale de Brest, est impliqué dans le naufrage du Sokalique et la noyade de son capitaine. Tannier/AFP.

CYRILLE LOUIS.

Publié le 19 septembre 2007

Actualisé le 19 septembre 2007 : 11h28

Leur consulat les a renvoyés à Bakou pour qu’ils échappent aux poursuites.

L’EXFILTRATION de trois membres d’équipage du vraquier Ocean Jasper, qui est soupçonné d’avoir provoqué une collision meurtrière avec le Sokalique le 17 août dernier, a été discrètement organisée par le consulat d’Azerbaïdjan à Paris. Le capitaine du bateau, ainsi que son second et le matelot qui se trouvaient sur la passerelle au moment de l’accident ont quitté la France en milieu de semaine dernière, vraisemblablement par avion. L’information, que Bakou se refuse à confirmer officiellement, a été délivrée vendredi dernier au procureur de la République de Brest, qui venait de charger la PJ de rechercher les trois hommes.

Selon les premiers éléments de l’enquête, c’est le mardi 11 septembre que l’expédition s’est finalisée. En début d’après-midi, ce jour-là, un huissier de justice se présente à bord de l’Ocean Jasper, qui est immobilisé jusqu’à la fin de l’enquête sur la base navale de Brest, afin de délivrer au capitaine une citation à comparaître devant le tribunal de commerce pour le mois de décembre. Vers 16 heures, le marin, accompagné de son second et d’un matelot, se présente au poste de sécurité pour quitter l’enceinte militaire de la base avant de disparaître dans la nature. L’exploitation des bandes de vidéosurveillance enregistrées ce jour-là dans la gare de Brest indique qu’ils n’ont pas pris le train. « Dès lors, tout laisse penser qu’une voiture avait été affrétée pour les acheminer au plus vite à Paris », précise une source proche du dossier.

Contacté hier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Bakou, Kazar Ibrahim, n’était pas en mesure de confirmer l’intervention de son consulat, mais il a déclaré au Figaro : « Notre ambassade à Paris s’est bien trouvée en contact avec ces marins, car elle a notamment pour mission de protéger les droits des ressortissants azéris à l’étranger. Par ailleurs, je sais que ces hommes étaient libres de se déplacer pour se rendre au consulat le plus proche, d’autant que le procureur français a adressé une lettre officielle à notre ambassade dans laquelle il affirme qu’ils ne sont pas poursuivis en l’état de la procédure. »

Côté français, on décrypte : « Les autorités d’Azerbaïdjan ont fini par considérer que les pressions politiques et médiatiques exercées dans ce dossier risquaient de nuire à une administration sereine de la justice. Afin de les protéger, ils ont donc décidé d’exfiltrer leurs trois ressortissants susceptibles d’être poursuivis, notamment parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis un délit de fuite en ne portant pas secours au capitaine du Sokalique. »

Les pêcheurs bretons agacés

Intervenant à la suite d’un naufrage qui a particulièrement ému les pêcheurs bretons, ce rebondissement fait d’autant plus mauvais genre que le président de la République s’est personnellement engagé, lors des obsèques du patron pêcheur Bernard Jobard, à « se battre » pour que les responsables du naufrage soient jugés en France. Ces dernières semaines, Nicolas Sarkozy a multiplié les contacts avec le président des îles Kiribati, où est immatriculé l’Ocean Jasper.

Or, malgré les déclarations réciproques de bonne volonté, ce petit archipel du Pacifique hésite encore à déléguer ses compétences judiciaires à la France. Fin août, le ministre des Transports, David Yeeting, confiait ainsi : « C’est un débat complexe qui touche à des questions de souveraineté et de respect du droit international. Nous comprenons bien sûr l’émotion suscitée en France par ce drame. Pour autant, il demeure tout à fait envisageable que les responsables de l’accident soient jugés dans notre pays. » Hier matin, Nicolas Sarkozy a poursuivi ses efforts en recevant la haut-commissaire de Kiribati aux îles Fidji ainsi que le procureur général de ce petit archipel du Pacifique. « De nombreuses questions techniques restent toutefois à trancher avant qu’une décision soit prise », précise-t-on simplement à l’Élysée.

En Bretagne, pendant ce temps-là, les marins s’agacent de l’évolution du dossier et déplorent, à l’image du président du Comité des pêches, André Le Berre : « La justice française s’est montrée vraiment légère en laissant les marins du vraquier sans surveillance. Un procès sans accusé, même s’il se tient en France, n’aura guère de sens. »

© Le Figaro

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

Visitez le site du journal Le Figaro.

Source url.

Revenir en haut