Le trust discrétionnaire et irrévocable anglo-saxon reste insurpassable

Vendredi 21 septembre 2007

SUPPLÉMENT SPÉCIAL : Le trust discrétionnaire et irrévocable anglo-saxon reste insurpassable

Date de parution : Mercredi 19 septembre 2007

Auteur : Stéphanie Jarrett, Avocate au barreau du Royaume-Uni et du Pays de Galles

La meilleure approche, pour les juridictions de droit civil, est de reconnaître les trusts étrangers.

Ces 50 dernières années ont vu l’émergence de l’industrie du trust offshore, la planification (« tax avoidance ») et l’évasion fiscale devenant les premières motivations derrière la constitution de tels véhicules.

L’industrie a profité de la croissance des fortunes liquides de familles aisées mais aussi de l’augmentation, jusqu’à plus de 50%, du taux effectif d’imposition sur le revenu et la fortune en cas de successions dans de nombreux pays riches. Les trusts, qui n’ont pas de personnalité légale, apparaissent dans ce contexte comme des instruments très flexibles et idéaux pour les structures de planification fiscale.Cela ne veut toutefois pas dire que les Anstalten (établissements), Stiftungen (fondations), « usufruits » et autres véhicules n’ont pas leur place dans les stratégies de planification fiscale efficientes pour les familles : ils restent attrayants lorsqu’on les utilise dans les circonstances appropriées.La supériorité du trust en termes de flexibilité explique que de nombreuses juridictions ont développé des services de trustees.

Nombre d’entre ces juridictions sont les territoires (anciennes colonies) britanniques, qui ont pour principale source de revenu l’offre de services de sociétés et de trusts. C’est pourquoi le trust (discrétionnaire, typiquement) a supplanté peu à peu les instruments traditionnels des juridictions de droit civil, en particulier lorsqu’il s’agit de planification ou même d’évasion fiscale.

Même les sociétés, qui s’avèrent pratiques pour détenir des actifs, ne peuvent rivaliser avec les trusts en matière de possibilités pour la planification successorale à long terme. Les trusts continuent à être utilisés abondamment pour la planification successorale et fiscale au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, deux juridictions où l’usage domestique des trusts est très répandu.

Des familles aux fortunes moyennes y utilisent des trusts, et des membres de la famille agissent souvent à titre trustees. Au Royaume-Uni, le gouvernement a récemment introduit de nouvelles dispositions visant à durcir la fiscalité des trusts. Malgré cela, les familles continuent à les utiliser car la fiscalité n’est pas l’unique motivation les incitant à recourir aux trusts. Par exemple, il se peut que vous deviez payer des impôts supplémentaires pour conserver des actifs dans un trust après qu’un enfant a atteint l’âge de 18 ans. Mais si la santé mentale ou physique de l’enfant risque d’être mise en péril s’il reçoit des actifs du trust à 18 ans, les frais supplémentaires en vaudront alors la peine. Dans ce cas, le gouvernement britannique a donc fait un calcul juste.

Aujourd’hui, des juridictions de droit civil sont plus nombreuses à adopter le trust. Le Liechtenstein est celui qui a été le plus loin parmi les juridictions de droit civil pour introduire une forme de trust dans son système légal par la voie législative.

Toutefois, ces trusts s’avèrent très inflexibles à plusieurs égards et n’ont jamais réellement pu concurrencer les fondations familiales du Liechtenstein, qui restent les grandes favorites des familles recherchant une planification successorale simple. Dans des circonstances spécifiques, ces fondations peuvent, tout comme les Anstalt, être incluses utilement dans des structures de planification fiscale.

Le Luxembourg continue pour sa part à être utilisé pour des structures mais sa force réside dans son réseau de traités de double imposition, et dans les sociétés et fonds qu’offre le Grand-Duché pour une structuration fiscale efficiente.

Les familles italiennes ont embrassé les trusts depuis que l’Italie a signé la Convention de La Haye sur les trusts. Ces structures leur permettent de placer leurs actifs à l’abri, d’éviter un reporting ainsi que les impôts italiens. Il convient ici de souligner la nature confidentielle d’un trust « inter vivos », structure créée pour assurer que, au moment du décès du settlor, rien de l’héritage ne puisse transparaître dans le domaine public. La sécurité physique individuelle est, en Italie comme dans d’autres juridictions, une considération très importante pour les familles.

En général, le modèle anglo-saxon pour le trust discrétionnaire et irrévocable reste le meilleur outil de planification pour les familles ayant des connexions internationales. Il n’a pu être surpassé jusqu’ici. Il offre une protection des actifs, des intérêts des héritiers désavantagés, une planification successorale pour l’entreprise et les intérêts personnels et, s’il est utilisé de façon appropriée, il permet de minimiser les impôts. Les juridictions de droit civil ont, jusqu’ici, développé de pâles copies qui ne satisfont pas les attentes des clients qui ont l’expérience de l’original.

La Suisse, sagement, n’a pas essayé d’imiter ce dernier en créant une version suisse de trust, mais a simplement reconnu la validité des trusts offshore. Avec la ratification de la Convention de La Haye et l’adaptation de son droit international privé, la Suisse pourra étendre son industrie de services de trustee, essentielle pour son secteur de private banking. C’est là la meilleure approche pour une juridiction de droit civil. Cette stratégie permettra à la Suisse de concurrencer avec succès Singapour, notamment, une juridiction qui a l’avantage d’être de droit commun.

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