Abandon des poursuites sur la BCCI

Vendredi 4 novembre 2005 — Dernier ajout mardi 8 mai 2007

Abandon des poursuites sur la BCCI

Libération le 4 novembre 2005

Douze années de bataille judiciaire autour de la Banque de Crédit et de Commerce international (BCCI) ont pris fin avec l’abandon des poursuites intentées par les liquidateurs de l’établissement failli à l’encontre de la Banque d’Angleterre. Les avocats de la BoE ont qualifié de « reddition sans condition » la décision du cabinet Deloitte de renoncer à sa plainte, la première jamais instruite contre la vénérable banque centrale créée il y a 311 ans. Deloitte, qui réclamait 850 millions de livres (1,25 milliard d’euros) à la banque centrale pour défaut de supervision, s’est retiré du procès après que la Haute Cour eut estimé qu’il n’était plus dans l’intérêt des créanciers de la BCCI de poursuivre la procédure.

La BoE, vantant "le coup de théâtre le plus remarquable et le plus humiliant de l’histoire de la justice anglaise", selon les mots de son défenseur Nicholas Stadlen, a fait savoir qu’elle demanderait à être remboursée de ses frais judiciaires estimés à plus de 60 millions de livres. Deloitte a chiffré les siens à 38 millions.

La plus importante fraude bancaire de l’histoire avait conduit la BCCI à la faillite en 1991, en laissant pour plus de 16 milliards de dollars de dettes. La banque fondée en 1972 par le Pakistanais Agha Hassan Abedi avait son siège à Londres mais était enregistrée au Luxembourg. Ne pouvant statutairement poursuivre la BOE pour négligence, les avocats de Deloitte ont traîné 22 responsables de la banque centrale en justice pour l’accusation plus grave de « malfaisance » - autrement dit d’avoir agi de manière malhonnête ou de mauvaise foi. Pour Mervyn King, le gouverneur de la BOE qui était présent au tribunal mercredi, « il n’y a jamais eu une once de preuve à l’appui de ces accusations scandaleuses, et l’accusation s’est effondrée comme nous avons toujours pensé que cela arriverait ».

Le procès sans jury, ouvert en janvier 2004, est entré dans l’histoire judiciaire britannique pour la durée de ses débats. Il a fallu 119 jours à la BoE pour présenter sa défense et 80 jours à Deloitte pour faire valoir ses arguments, à la suite de quoi le premier témoin présenté par la défense a été entendu durant sept semaines. Les anciens gouverneurs de la BoE Eddie George, Robin Leigh-Pemberton et Gordon Richardson auraient pu être appelés à la barre, pour des faits remontant souvent aux années 1970.

« Si le procès avait continué, cela aurait pu durer plusieurs années encore, entraînant des coûts beaucoup plus élevés », a fait valoir Deloitte dans un communiqué.

De petite banque asiatique, la BCCI s’est transformée en un empire tentaculaire couvrant 69 pays avec 20 milliards de dollars d’actifs. Même avant sa faillite frauduleuse elle était soupçonnée d’être liée à des barons de la drogue ou à des dictateurs. En 1991, la CIA avait admis avoir utilisé la BCCI comme « canal de transmission d’argent ».

La banque a été fermée en 1991 dans le cadre d’une action internationale concertée, à laquelle a pris par la BOE, après la découverte de pertes dissimulées. Plus de 6.500 clients y ont perdu leurs dépôts. Deloitte, chargé de la liquidation, estime néanmoins pouvoir restituer 81% de leurs avoirs aux créanciers, soit six milliards de dollars au total.

Le statut de la BCCI était au cœur du procès, la BoE faisant valoir qu’elle n’était pas responsable de sa supervision puisque la banque, bien qu’ayant son siège à Londres, était enregistrée à Luxembourg.

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Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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