Au Canada, de jeunes riches héritiers veulent être taxés plus

Vendredi 18 décembre 2020

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Au Canada, de jeunes riches héritiers veulent être taxés plus

Pour faire face au déficit public creusé par la pandémie, certains milléniaux très aisés proposent d’augmenter leur contribution fiscale. Sans être entendus par le gouvernement Trudeau.

Par Hélène Jouan(Montréal, correspondance) Publié hier à 07h00

« Taxez-nous, taxez ma famille, taxez notre héritage », clament en chœur quelque 200 milléniaux âgés de 18 à 40 ans, héritiers de riches et très riches familles canadiennes. Masochistes, les dorés rejetons ? Point. Simplement conscients, disent-ils, de leur « responsabilité individuelle » dans un pays où la pandémie de Covid-19 n’a fait que creuser les inégalités. En bons ­lecteurs de l’économiste français Thomas Piketty, ils vantent les vertus redistributives de l’impôt, prêts à sacrifier un peu de leur immense confort pour aider à combler un déficit public historique de près de 246 milliards d’euros pour l’année en cours, à condition que ce soit pour la bonne cause.

Sylvie Trottier, analyste spécialiste du changement climatique, se souvient du moment où elle a ­réalisé qu’elle appartenait au club très fermé des ultrariches. « Enfant, je savais que j’étais chanceuse parce que j’habitais une belle maison dans un quartier chic de l’île de Montréal, je voyageais régulièrement en Europe avec mes parents. Mais c’est pendant mon adolescence, quand mon père a fait un don de 10 millions de dollars à l’université McGill, que j’ai mesuré l’ampleur de la fortune familiale. » Une richesse dont elle profite et qu’elle héritera un jour de son père, Lorne Trottier, ­fondateur en 1976 de Matrox, une société devenue leader dans le domaine des logiciels d’imagerie médicale.

Conscients des limites de la philanthropie

Les valeurs portées par la Fondation familiale Trottier, qui ­distribue depuis vingt ans moult subventions dans les domaines de l’éducation, de la science et de l’environnement jusqu’à devenir l’une des plus importantes œuvres philanthropiques du Québec, ont très tôt détourné leurs deux filles d’un destin oiseux et oisif d’héritières à la Paris Hilton. « Mais j’ai progressivement pris conscience que la seule bienfaisance ne suffisait pas, explique Sylvie Trottier, car la philanthropie ne fait qu’atténuer les inégalités entre les nantis et les autres, sans s’attaquer aux causes. »

La lecture du best-seller américain Winners Take All : The Elite Charade of Changing the World (« Les riches raflent tout : leur mascarade d’un changement du monde », 2018, non traduit), dans lequel Anand Giridharadas démontre que les riches utilisent leur fortune et leur influence même dans la philanthropie pour asseoir leur domination, la convainc que « ce qui compte, c’est de mettre en place une solution systémique pour réduire les inégalités ». D’où son engagement, ainsi que celui de sa sœur, Claire, au sein de Ressources en mouvement. Lire la suite.

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