Des fuites discrètes aux Etats-Unis

Jeudi 18 avril 2013

Des fuites discrètes aux Etats-Unis

17 Avril 2013

Par Jean-Cosme Delaloye à New York Les médias américains ne se passionnent guère pour l’affaire Offshore Leaks, pourtant révélée depuis Washington. Alors même que certains Etats sont de véritables paradis fiscaux.

[…] « On ne peut pas affirmer que les Américains ne s’intéressent pas à Offshore Leaks, estime Jason Sharman, professeur à la Griffith University et coauteur d’une récente étude intitulée « Global Shell Games » sur la création de sociétés-écrans opaques. Mais ces fuites ne concernent pas vraiment des personnalités américaines, mise à part, dans une moindre mesure, Denise Rich, l’ex-femme de Marc Rich. » Le trader américain déchu puis gracié par Bill Clinton vit depuis de longues années en Suisse.

Quatre milles Américains figurent sur les documents obtenus par l’ICIJ. Et au moins une trentaine d’entre eux, dont Raj Rajaratnam, le manager de hedge funds condamné en 2011 à onze ans de prison et 150 millions de dollars d’amende dans une énorme affaire d’insider trading, ont été inquiétés par la justice américaine.

« Les médias n’arrivent pas à expliquer aux Américains ces questions compliquées, juge Clark Gascoigne, le directeur de la communication chez Global Financial Integrity, un réseau qui milite à Washington en faveur des échanges d’information entre les pays en matière fiscale. Le public finit par s’en désintéresser, ce qui conforte les rédactions dans leur conviction que ces questions n’intéressent pas le grand public. C’est un cercle vicieux. » Selon l’expert en matière de questions fiscales, le Sénat américain estime que les paradis fiscaux offshore font perdre chaque année quelque 150 milliards de dollars au Trésor.

[…] Richard Murphy, directeur de la recherche au sein du Tax Research en Grande-Bretagne, souligne la spécificité du cas américain : « Le dollar est la monnaie internationale. Les Etats-Unis ont aussi fait passer en 2010 le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA, un règlement qui oblige les banques des pays ayant signé cet accord, dont la Suisse, à communiquer au Trésor américain les comptes des ressortissants américains ouverts chez elles). Les Américains ont la capacité de dicter leurs règles et d’obtenir les informations fiscales qu’ils veulent, mais sont moins bons lorsqu’il s’agit de partager des informations sur des ressortissants étrangers qui investissent chez eux. »

Toujours selon le chercheur britannique, les autorités américaines considèrent que toute personne doit pouvoir créer aux Etats-Unis une société tout en conservant une certaine opacité sur l’origine des fonds. « Nous ne savons pas à qui appartiennent les nombreuses sociétés-écrans créées dans le Delaware, par exemple. »

Plus d’un million de sociétés américaines ont leur siège dans cet Etat de 910 000 habitants, sept fois plus petit que la Suisse ; 6500 grosses sociétés, dont Google et Coca-Cola, ont leur raison sociale au 1209 Orange Street à Wilmington, la ville du vice-président américain Joe Biden et principale agglomération du Delaware. « Il y a une forte compétition entre les Etats américains pour attirer les sociétés chez eux, ce qui contribue à une baisse des exigences et des contrôles en matière fiscale, explique Jason Sharman, le chercheur à la Griffith University. Dans le Delaware, il vous est possible d’ouvrir une compagnie-écran en quinze minutes sans que l’on vous pose des questions sur votre identité et elle est opérationnelle en quelques heures. »

Son étude « Global Shell Games » conclut qu’il est trois fois plus facile d’ouvrir une société-écran aux Etats-Unis et dans d’autres pays comme la Grande-Bretagne ou le Canada que dans des paradis fiscaux comme les îles Caïmans, les Bahamas ou Jersey. Lire la suite sur le site du magazine Bilan.

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